« La décision de changer de trajectoire professionnelle est l’occasion d’une réflexion sur soi et d’une remise en question de ses priorités. Plus que changer de travail, on change quelque chose à sa vie. Il y a là une dimension de recomposition identitaire.

Il n’existe pas de profil type. Toutes les personnes ont en commun de vouloir rompre avec une situation d’emploi jugée insatisfaisante : un travail trop routinier, une ambiance qui s’est ­dégradée, un manque de reconnaissance, une vocation non assouvie… Elles vont alors se saisir d’événements apparemment banals (l’arrivée d’un nouveau chef, l’annonce d’une restructuration à venir…) qu’elles vont désigner comme les événements déclencheurs de leur reconversion. Ces événements vont leur permettre de justifier la prise de risque que représentera toute reconversion.

Contrairement à ce que l’on pense, le changement n’arrive pas subitement, mais nécessite un temps long de réflexion et de maturation durant lequel la personne opère un questionnement sur elle-même : qu’est-ce qui est réellement possible de faire ? Quelle prise de risque suis-je prête à supporter ? Une personne peut, par exemple, être insatisfaite dans son travail mais décider d’y rester car elle juge la prise de risque trop importante. Ce temps de latence est un temps de négociation sur l’opportunité d’engager ou non une reconversion. La personne va ensuite chercher à valider son choix auprès de son entourage. Si ­celui-ci se montre réservé et que sa décision n’est pas suffisamment solide, elle peut changer d’avis et chercher un compromis – en décidant, par exemple, de moins s’impliquer dans son travail et davantage dans la sphère privée. Le conjoint, l’entourage, les amis jouent un rôle décisif dans la décision de reconversion.

Je remarque aussi que les hommes et les femmes n’abordent pas la question de la reconversion de la même manière. Si ces dernières soutiennent généralement leur mari dans leur projet, elles doivent souvent négocier quand ça les concerne. Car cela ­signifie qu’elles s’investiront moins dans la sphère familiale. A l’origine de ce désir de changer d’activité, les femmes sont nombreuses à évoquer la recherche d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, notamment avec l’arrivée d’un deuxième ou d’un troisième ­enfant. C’est dire que les tâches domestiques leur sont trop souvent implicitement dévolues.»