Transports saturés, logements chers… les chantiers du Grand Paris permettront-ils d’y remédier ?
Transports saturés, logements chers... les chantiers du Grand Paris permettront-ils d’y remédier ?
Par Isabelle Rey-Lefebvre
Les Franciliens souffrent de leurs conditions de vie. Le plus vaste chantier d’Europe, avec 200 kilomètres de voies ferrées et 68 gares, est lancé.
Vue d’architecte de la future gare Nanterre-La Folie, à Nanterre ( Hauts-de-Seine). / Guller/Loukat
Le Grand Paris devient concret : le plus vaste chantier d’Europe, avec 200 kilomètres de voies ferrées (métro et RER) et 68 gares, est lancé. Trois tunneliers sont à l’œuvre en même temps sous les pieds des Franciliens, et, en surface, dans les futurs quartiers autour des gares, la construction bat son plein. Le record a été atteint, fin septembre 2018, avec près de 100 000 permis de construire accordés en douze mois.
S’agrandir enfin, après soixante ans de confinement
Ces équipements très structurants métamorphosent le cœur de l’agglomération francilienne, Paris et les 130 communes qui constituent sa métropole, et permettent à la capitale de s’agrandir enfin après soixante ans de confinement derrière son périphérique et d’inégalités souvent douloureuses entre elle et sa proche banlieue.
L’un des premiers objectifs est d’améliorer les conditions de vie et de transport des grands métropolitains en leur permettant de circuler d’une commune à l’autre sans passer par le centre, souvent saturé.
C’est une urgence : les Franciliens souffrent et le disent. Selon un sondage Opinion Way (réalisé du 2 au 4 mai 2018, auprès de 1 027 personnes), la moitié des 28-45 ans habitant Paris rêvent d’en partir, pour aller vivre non pas à la campagne, mais vers d’autres métropoles où ils pensent que la qualité de vie est meilleure. Le Grand Paris suffira-t-il à les retenir ? Il doit, pour cela, soigner deux maux majeurs : le déséquilibre dans la localisation des emplois et des logements et la cherté de l’habitat qui, à lui seul, exclut.
7 millions de navettes quotidiennes domicile-travail
La métropole compte 3,9 millions d’emplois pour 3,2 millions d’actifs, soit 123 emplois pour 100 actifs, ce qui montre son attractivité économique. Ce taux monte même à 165 pour 100 à Paris intra-muros, et à 176 dans les communes de Paris Ouest-La Défense.
Les emplois sont donc concentrés sur quelques pôles, plutôt à l’ouest, tandis que le logement est réparti sur l’ensemble de l’Ile-de-France, obligeant les Franciliens à se déplacer en long et en large : on dénombre 7 millions de navettes quotidiennes domicile-travail, qui infligent à 23 % des habitants de la grande couronne des temps de transport de plus d’une heure, aller.
La cherté du logement est l’autre repoussoir de la qualité de vie : elle rejette les ménages modestes ou tout simplement les ménages moyens de plus en plus loin de leur emploi. « L’inflation immobilière commence à gripper le fonctionnement économique de la métropole, avec des difficultés de recrutement », analyse Emmanuel Trouillard, dans son étude « Métropolisation et habitat », réalisée par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France et parue en septembre 2018 :
« En devenant de plus en plus sélective vis-à-vis des classes moyennes et populaires, la métropole francilienne pourrait voir s’affaiblir son dynamisme. »
Les publics-clés, étudiants, chercheurs, jeunes cadres ou ingénieurs et entrepreneurs, pourraient se décourager et renoncer à s’installer dans la métropole.
Les notaires franciliens ne sont pas plus rassurants sur ce phénomène en annonçant, le 29 novembre 2018, que le prix moyen du mètre carré, en Ile-de-France, est le double de celui constaté en province : 6 000 euros contre 3 000.
A Paris, le prix moyen du mètre carré devrait, en janvier 2019, dépasser 9 600 euros, soit 7 % de plus en un an. La hausse se propage aux départements limitrophes, d’en moyenne 4,5 %, avec un chiffre qui flambe en Seine-Saint-Denis (7 %), que le Grand Paris et ses nouveaux quartiers rendent désirable.
Paris, réservée aux touristes et aux cadres
Paris perd des habitants et devient une ville réservée aux touristes – les plates-formes de location saisonnière monopolisent déjà 50 000 logements – et aux cadres et dirigeants d’entreprise, qui constituent 64 % des acheteurs ! Le défi du Grand Paris est, sans imposer une densité insupportable, de ne pas reproduire ce schéma à son échelle ni repousser les ménages modestes toujours plus loin.
Cet article fait partie d’un dossier réalisé en partenariat avec l’établissement public foncier d’Ile-de-France.