Mieux vaut tard que jamais. Près d’un mois après le début de la mobilisation des « gilets jaunes » et un week-end marqué par un déferlement de violences, les cinq secrétaires généraux des principales organisations syndicales vont se retrouver pour faire un point sur la situation, ont annoncé plusieurs participants au Monde.

Cette réunion informelle se déroulera, jeudi 6 décembre, au siège de la Confédération française démocratique du travail (CFDT). L’initiative en revient à Laurent Berger, le secrétaire général cédétiste, mais aussi à Philippe Martinez, son homologue de la Confédération général du travail (CGT). Ont également été conviés les responsables de syndicats non représentatifs comme l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) ou Solidaires.

C’est la première fois qu’ils se retrouveront autour de la même table depuis le début de la crise. Jusqu’à présent, chacun parlait pour soi et la désunion régnait à tous les étages. Mal à l’aise depuis l’émergence du mouvement des « gilets jaunes », les centrales syndicales sont longtemps restées spectatrices, gênées dès le départ par certains discours et certaines actions qu’elles réprouvaient.

« Les confédérations sont inaudibles »

Critique à l’égard d’un pouvoir qui a mis à distance les partenaires sociaux, M. Berger a été le premier à demander, dès le 17 novembre, « un pacte social de la conversion écologique ». La CGT a également tenté de reprendre l’initiative en appelant à une « grande journée d’action », vendredi 14 décembre, « pour les salaires, les pensions et la protection sociale ». Mais elle n’a, pour l’heure, pas été rejointe par ses homologues, plusieurs regrettant une façon de faire « unilatérale ».

« Chacun y allant de son couplet, les confédérations sont inaudibles, souligne Jean-Marie Pernot, de l’Institut de recherches économiques et sociales. Elles ont pourtant un coup à jouer, il y a un espace à prendre face à un mouvement qui n’est pas parvenu à s’organiser. » « La conjoncture devrait justifier un front commun et de s’entendre sur quelques propositions-clés », appuie Dominique Andolfatto, professeur à l’université de Bourgogne. Etant donné le format de ce rendez-vous – il ne s’agit pas d’une intersyndicale –, son débouché est incertain mais c’est déjà un début.

Les mesures détaillées, mardi, par le premier ministre seront au cœur des discussions, d’autant qu’elles pourraient permettre aux organisations syndicales de revenir au premier plan. Mis à part la CGT, ces dernières ont salué un premier pas mais réclamé d’aller plus loin. Pour M. Berger, ces annonces doivent permettre « une forme d’apaisement », a-t-il expliqué dans une interview à La Croix publiée mardi. « Vous voulez discuter, allons-y ! », a-t-il lancé au gouvernement, mettant cependant en garde : « Ça ne peut pas être un jeu de dupes. Il n’y aura pas de deuxième chance. »

« On reste sur notre faim »

Yves Veyrier, son homologue de Force ouvrière (FO), qui souhaitait un moratoire sur les hausses des taxes sur les carburants, y voit également « un signal d’apaisement ». Le nouveau patron de la confédération attend cependant des précisions concernant « l’amorce de réponse sur la prime transport ». Rejointe par la CFDT, FO demandait la généralisation de cette mesure pour les salariés contraints de prendre leur voiture pour aller au travail.

« Trop peu, trop tard, un gouvernement à côté de la plaque ! », a, pour sa part, fustigé la CGT dans un communiqué. « Rien sur la revalorisation des salaires, a notamment déploré la Confédération générale du travail. Pas de coup de pouce sur le smic : une augmentation de 3 % constitue un maintien en euros constants en compensant juste l’inflation. » Un regret également formulé par M. Veyrier. « Sur le smic, on reste sur notre faim. » Quant à la CFDT, elle continue à plaider pour « de véritables négociations sur les salaires dans les entreprises, et les branches doivent être ouvertes pour éviter la concentration des rémunérations autour du smic et limiter les écarts salariaux indécents ».