Malgré la résistance des oppositions, l’Assemblée nationale a voté dans la nuit de mercredi 5 à jeudi 6 décembre la fusion controversée des tribunaux d’instance (TI) et de grande instance (TGI).

Le tribunal d’instance (304 sites) représente la justice des petits litiges du quotidien et le tribunal de grande instance (164 sites) la juridiction de droit commun. Avec cette réforme, le gouvernement souhaite mutualiser les effectifs de magistrats et de greffes, et unifier la gestion budgétaire pour la rationaliser, la simplifier. Le texte prévoit également la possibilité de spécialiser certains TGI actuels en matière civile et pénale au sein d’un même département. Des procureurs chefs de file au niveau départemental seront désignés.

Cette mesure, examinée en première lecture dans le cadre de la réforme de la justice, a été adoptée par 58 voix contre 34 et 1 abstention, à l’issue de débats tendus au cours desquels les oppositions ont notamment dénoncé les conditions d’examen du texte.

A la reprise des débats à 21 h 30, des députés de gauche comme de droite ont multiplié les rappels au règlement pendant une heure, en déplorant un examen du texte « tronçonné » par le retard accumulé. A l’origine, d’autres textes devaient être examinés, notamment sur le logement en outre-mer. Mais la conférence des présidents – qui fixe l’ordre du jour de l’Assemblée – a décidé de remplacer l’examen de ces textes par celui portant sur la justice pour tenter d’en achever la lecture.

Des députés fustigent une « perte de proximité »

Mesure emblématique du projet de loi, la fusion entre les TI et TGI suscite depuis des mois des critiques, grèves et manifestations d’avocats et de magistrats, qui redoutent une refonte de la carte judiciaire où certains tribunaux, vidés de leur substance, finiraient par fermer.

« Nous ne pouvons pas voter cet article », a affirmé Philippe Gosselin (Les Républicains) en dénonçant « une disparition de la justice de proximité ». Pour Thierry Benoit (UDI-Agir, composé de centristes et de députés de droite « constructifs »), cette mesure « est la suite de la réforme ratée de Rachida Dati », ancienne garde des sceaux (2007-2009), sur la carte judiciaire.

A gauche, le communiste Stéphane Peu a déploré « une perte de proximité » de la justice. « Vous allez éloigner la justice du justiciable », a considéré pour sa part l’insoumis Ugo Bernalicis. « Le sentiment général, c’est que réforme après réforme, vous êtes en train de désarticuler l’organisation de nos services publics », a affirmé quant à lui le socialiste David Habib.

« Je vais vous faire une confidence », avait lancé la veille la garde des sceaux Nicole Belloubet en brandissant dans l’hémicycle la carte de l’implantation actuelle des tribunaux. « Cette carte vivra demain et après-demain et dans les années à venir car s’est l’engagement que j’ai pris », avait-elle expliqué en plaidant pour « plus de lisibilité et de simplicité » dans l’organisation judiciaire.