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Il existe un proverbe africain qui dit : « Au bout de la patience, il y a le ciel. » De la patience, Francis Collomp en a eu au-delà de l’imaginable. Le 19 décembre 2012, ingénieur pour une entreprise qui installe des éoliennes, va célébrer ses 63 ans dans sa villa de Rimi, un village situé au nord du Nigeria, non loin de la frontière du Niger. Mais, ce soir-là, le Français est enlevé par des hommes armés qui vont le séquestrer pendant près d’un an. Des policiers ou des gardes du corps, et probablement un jeune voisin, sont tués lors de ce rapt. Qui sont ces hommes ? Des djihadistes du groupe Ansaru, une secte qui serait liée à Boko Haram. Que veulent-ils ? Prétendument dénoncer « la position du gouvernement français et des Français contre l’islam et les musulmans », et l’interdiction du port du voile intégral en public.

Francis Collomp ne sait pas combien de temps il va pouvoir tenir : vont-ils l’exécuter ? Et lui, peut-il survivre ? En effet, il a un traitement à suivre après avoir subi un pontage en 2001. Il fait des calculs : pas de médicaments, des conditions de détention déplorables, la faim… « Très vite, je me dis que j’ai peut-être 25 % de chances de m’en sortir, de rester en vie », souffle-t-il. Il se promet deux choses : ne pas mourir dans cette « cellule » et s’évader.

1 000 tours par jour

Pour s’échapper, il lui faut un plan et préserver sa santé. « Je savais que, si je m’évadais, il fallait marcher. Beaucoup », assure-t-il. Alors, il se met en tête de marcher entre 6 et 10 km par jour. Mais comment faire lorsqu’on est coincé dans une pièce exiguë ? Il décide de tourner autour de son matelas crasseux : quelques 1 000 tours à atteindre presque chaque jour. Et, pour éviter d’avoir le vertige, il changeait de sens tous les vingt tours. « J’en ai pleuré parfois. Ah ouais. Je me forçais », dit-il, les larmes aux yeux.

Le calvaire ne fait que commencer. On le fait surveiller par un geôlier qui ne se sépare jamais de sa kalachnikov et qui jure de le tuer s’il tente de s’enfuir. La haine de cet homme qui n’a pas 20 ans va renforcer son envie de s’évader. Le temps presse : il sent son corps le lâcher et son cœur s’emballe de temps en temps. Au 127e jour de détention, il pense faire une crise cardiaque et se met à taper fort sa poitrine pour se faire un massage et éviter ainsi l’arrêt du cœur.

Dans Otage, 332 jours pour m’évader, Francis Collomp raconte sa captivité et livre avec de nombreux détails son improbable plan d’évasion

Il a désormais un plan en tête, un plan invraisemblable pour ne pas dire délirant : voler une clé qui ouvre sa porte. Pour retrouver la liberté, il lui faut aussi débloquer le loquet rouillé du portail – qui n’a pas de serrure – situé dans une cour poussiéreuse où il effectue sa promenade quotidienne. Discrètement, pendant des dizaines de jours, il va, inlassablement, graisser ce loquet avec de l’huile qu’il a récupéré dans sa nourriture.

Ainsi, dans Otage, 332 jours pour m’évader, Francis Collomp raconte sa captivité et livre avec de nombreux détails son improbable plan d’évasion. Son témoignage face caméra est limpide et bouleversant : d’une voix calme, il décrit avec honnêteté sa vie dans une minuscule pièce, sa volonté surhumaine de retrouver la liberté et les différents états d’esprit par lesquels il est passé, sans rien éluder, même lorsqu’il évoque son envie de « tuer » son geôlier. Malheureusement, ses propos sobres et puissants sont altérés par des reconstitutions sensationnalistes et par une voix off trop romanesque, qui n’est pas la sienne. Mais, surtout, il est gênant de voir Francis Collomp rejouer dans une pièce noire, tel un acteur, des moments de sa captivité. Etait-ce vraiment nécessaire ?

Otage, 332 jours pour m’évader, de Franck Guérin (France, 2018, 70 min). www.mycanal.fr