Des mesures sociales fortes et une réponse institutionnelle, voilà ce que les députés La République en marche (LRM) souhaitaient entendre dans le discours d’Emmanuel Macron, lundi 10 décembre. La première urgence est de répondre au sentiment d’injustice exprimé par les manifestants, estiment plusieurs d’entre eux. « Il faut des annonces en faveur du pouvoir d’achat, avec un impact direct, que les Français pourront se représenter immédiatement, préconise ainsi le député de Paris, Pierre Person. L’effet doit être suffisamment puissant pour que chacun se dise que le président a pris la mesure de la crise. » « Il faut quelque chose de très visible, qui soit palpable dès le mois prochain », appuie sa collègue de la capitale, Elise Fajgeles.

Certains jugent nécessaire de revaloriser les retraités modestes, qui ont été frappés de plein fouet par la hausse de la CSG. A l’instar du député LRM de l’Hérault, Patrick Vignal. « Il faut rectifier cette mesure pour faire en sorte que la hausse de la CSG ne s’applique pas aux retraites inférieures à 2 000 euros », plaide cet ex-socialiste, qui demande également une hausse des pensions de réversion et un rétablissement de l’ISF si l’évaluation de cette réforme ne prouve pas son inefficacité.

Tous ne partagent pas cet avis. « La transformation de l’ISF a déjà un impact, il y a une augmentation de l’investissement dans les PME », défend le député des Hauts-de-Seine, Jacques Maire. « Je ne crois pas à un coup de pouce sur le smic », ajoute-t-il, tablant plutôt sur une augmentation de la prime pour l’emploi. « Il faut accélérer les réformes qui vont améliorer le quotidien des Français », a insisté dimanche 9 décembre le député de Maine-et-Loire Matthieu Orphelin sur France Inter, en citant lui aussi les retraites ou la précarité énergétique.

Seconde priorité aux yeux des élus macronistes : établir un nouveau cadre démocratique, susceptible de mieux prendre en compte les aspirations des Français. « Il faut répondre à la crise de la démocratie représentative avec un volet institutionnel », plaide Pierre Person, mettant en avant la baisse d’un tiers du nombre de parlementaires ou l’instauration de la proportionnelle aux législatives. Deux mesures contenues dans la réforme des institutions, dont l’examen devait reprendre en janvier, à l’Assemblée. Le député LRM propose en outre l’extension du référendum d’initiative populaire.

« Au-delà du cri de détresse sur le pouvoir d’achat, le président doit prendre en compte les revendications sur la pratique démocratique, abonde la députée de Paris, Olivia Grégoire. Les gens ont l’impression qu’on ne les entend pas. Il faut y remédier, en mettant par exemple en place des référendums régionaux. » Persuadée que « la colère ne pourra pas se calmer avec une seule mesure », elle plaide encore pour « des états généraux de la fiscalité et de la distribution dans les territoires pour que l’on évalue la répartition et la justice sociale ».

« Cesser les petites phrases »

« On a trahi notre promesse de rénovation démocratique », admet Jacques Maire. Lui espère que la grande concertation de trois mois, qui doit démarrer samedi 15 décembre dans toute la France, avec syndicats, élus locaux et « gilets jaunes », permettra de « définir la stratégie pour la deuxième partie du quinquennat et d’avoir un impact sur le programme de réformes ».

Cible principale des « gilets jaunes », Emmanuel Macron est également appelé à changer de style, ce qu’il a déjà esquissé avec une série de mea culpa ces derniers mois, afin de donner une image moins arrogante. « Le président doit dire ce qu’on a mal fait et ce que l’on n’a pas fait. Faire de la politique, c’est lâcher prise. Arrêtons de penser qu’on a la science infuse », souligne Patrick Vignal. Un diagnostic partagé par un poids lourd de la majorité : « Macron doit reprendre de la hauteur et cesser les petites phrases qui gâchent son mandat. » « Il faut qu’il fasse amende honorable sur des choses qui ont pu heurter, il en est capable », l’encourage Elise Fajgeles.

Pour les élus de la majorité, des améliorations sont surtout possibles sur la forme de la prise de parole présidentielle. Plusieurs jugent nécessaire d’en finir avec un langage soutenu, inaudible des classes populaires. « Il faut des mots clairs, simples et du cœur. Dépasser le penser complexe et le parler complexe », prône Olivia Grégoire. Si les mots sont déconnectés, l’action l’est aussi. Le président doit se départir des mots compliqués pour toucher les Français. » « Une partie des Français ne se reconnaît pas dans notre dialectique donc il faut arrêter le langage techno des DRH de la start-up nation. La politique, c’est de l’humain et de l’empathie », tranche Patrick Vignal.

Le chef de l’Etat doit « toucher le cœur des Français » pour pouvoir « rassembler son peuple », a résumé le secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement, Marc Fesneau, dimanche sur LCI. Comme si, un an et demi après son élection, la relation entre Emmanuel Macron et les Français était déjà rompue.