L’avis du « Monde » – à voir

C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs succès. Depuis quelques années, Walt Disney Pictures puise dans sa réserve de grands classiques pour en proposer des versions remaniées, en prises de vues réelles : La Belle et la Bête, Le Livre de la jungle, Cendrillon et bientôt Aladdin, Le Roi Lion… Le succès est souvent au rendez-vous, ces nouvelles productions cherchant à s’adresser aussi bien à l’adulte ­nostalgique traumatisé par le premier Dumbo qu’à l’enfant d’aujourd’hui, né avec le numérique et dont le regard s’est aiguisé au contact de superproductions saturées d’effets spéciaux.

Ce film familial veut concilier tentative de modernisation et rétromanie réconfortante

C’est tout l’enjeu du Retour de Mary Poppins, film familial qui veut concilier tentative de modernisation et rétromanie réconfortante. La version de 1964, réalisée par Robert Stevenson, versait déjà dans le passéisme en adaptant le roman éponyme de Pamela L. Travers (1934). C’est dans les sept suites publiées par l’écrivaine jusqu’en 1988 que puise le scénario du Retour de Mary Poppins, installant son intrigue dans le Londres de la Grande Dépression.

On retrouve Michael et Jane, les deux enfants de la version de 1964. Le frère et la sœur devenus adultes, entourés des trois enfants de Michael, sont au bord de la ruine et menacés d’expulsion. La petite famille sera sauvée par la réapparition de leur ancienne gouvernante-magicienne, qui n’a pas pris une ride. Emily Blunt remplace Julie Andrews pour camper Mary Poppins et dépoussière génialement le personnage.

L’habituelle mièvrerie

Pour le reste, le film baigne dans l’habituelle mièvrerie du divertissement familial de Noël. Mais l’enjeu est ailleurs, dans l’orfèvrerie numérique et la débauche d’effets spéciaux que Mary Poppins et les trois enfants traversent comme une série de tableaux successifs. Les progrès actuels donnent forme à quelques moments vertigineux, dont une séquence où, après avoir ébréché un vase d’une très grande valeur, les enfants et leur nurse s’engouffrent dans le décor d’une porcelaine pour aller réparer l’objet. La séquence mêle prises de vues réelles et animation, toute la difficulté étant de rendre crédible les interactions entre personnages en chair et en os et figures animées en 2D. Le défi est relevé avec brio et nous signale que le film appartient moins à son réalisateur qu’à une armada de techniciens (costumiers, décorateurs, équipe des effets spéciaux).

D’un strict point de vue formel, Le Retour de Mary Poppins réussit le pari d’enchevêtrer nostalgie et modernité. Mais à force de vouloir en mettre plein la vue, le film oublie de donner corps à ses personnages et consistance à son histoire. Comme trop souvent dans les superproductions à destination des enfants, le maître mot n’est plus de les émouvoir mais de les impressionner.

Le Retour de Mary Poppins - Bande-annonce officielle (VF)
Durée : 02:38

Film américain de Rob Marshall. Avec Emily Blunt, Lin-Manuel Miranda, Ben Whishaw (2 h 11). Sur le Web : disney.fr/films/le-retour-de-mary-poppins et www.facebook.com/marypoppinsreturns