Editorial du « Monde ». Il faut en donner acte à Olivier Faure. Depuis son élection comme premier secrétaire du Parti socialiste, le 7 avril, le député de Seine-et-Marne se bat avec constance et énergie pour ressusciter l’union de la gauche. Son handicap est qu’il est à la tête d’un parti en survie artificielle depuis le score calamiteux de son candidat (6,36 %), Benoît Hamon, à l’élection présidentielle. Il est invisible, sauf lorsqu’il dépose une motion de censure avec La France insoumise (LFI), qui vire au vaudeville quand il cherche ensuite à déplacer le jour du vote. Il est inaudible, sauf quand il se saisit habilement du référendum d’initiative citoyenne préconisé par les « gilets jaunes » pour proposer un référendum d’initiative partagée, inscrit dans la Constitution, afin de rétablir l’impôt sur la fortune. Démarches vaines et éphémères.

M. Faure a conscience que, si les forces de gauche se présentent séparément aux élections européennes de mai 2019, elles iront au casse-pipe. Un sondage BVA, en date du 14 décembre, attribue 10 % à LFI devant Europe Ecologie-Les Verts (EELV) à 7 %, le PS et Génération.s, le mouvement de M. Hamon, n’obtenant que 5 %, soit le seuil qui permet d’avoir un eurodéputé. En d’autres termes, telle qu’elle est partie, la gauche serait en miettes, offrant un boulevard à l’extrême droite. « Le paradoxe, assure M. Faure dans une interview à Libération du 21 décembre, c’est que, même très diminué, Macron apparaîtra alors encore comme le seul rempart à Marine Le Pen. »

Moult initiatives

On peut difficilement contester la justesse du raisonnement politique du premier secrétaire du PS. Avec son mouvement Place publique, le philosophe Raphaël Glucksmann arrive au même constat. Il rêve, lui aussi, d’une liste qui réunirait toute la gauche et les écologistes, sans les amis de Jean-Luc Mélenchon. Selon une enquête commandée à l’IFOP par Place publique, une liste d’union recueillerait 14 %, devant LFI (11,5 %), à touche-touche avec La République en marche et le MoDem (15 %). A cinq mois du scrutin, ces sondages sont à lire avec précaution, mais le pronostic est sans appel : unie, la gauche a une carte à jouer, divisée elle disparaît des écrans radar.

La semaine qui vient de s’écouler a été fertile en initiatives. Non sans malice, Ségolène Royal a proposé de rejoindre la liste d’EELV, en laissant la première place à Yannick Jadot. L’eurodéputé, qui a dit au Parisien du 21 décembre que l’écologie ne peut pas être « une simple potion électorale pour requinquer la gauche », lui a opposé une sèche fin de non-recevoir. Alors qu’EELV a peu de chances de retrouver son score de 2009 (16,28 %), le parti n’ambitionne pas moins de devenir à terme « la première force politique » du pays… Le 20 décembre, Place publique a été le carrefour d’une rencontre des forces de gauche, à l’exception de LFI, et des écologistes. « La gauche ne pèse rien séparément », a rappelé M. Glucksmann. Nul ne l’a contredit, mais chacun se replie sur sa (toute) petite chapelle.

Sinistrée depuis la présidentielle de 2017, la gauche est de plus en plus morcelée. Il arrive que ses dirigeants parlent de rassemblement, mais ils multiplient surtout les anathèmes à l’égard des alliés d’hier, et plus encore du parti auquel ils ont longtemps appartenu. « A gauche, souligne M. Faure, la concurrence entre les clans, les écuries, les coteries a détruit jusqu’à l’idée d’une alternance possible. » Cela s’appelle une stratégie mortifère.