« La Vie comme elle vient » : le charme discret de l’ordinaire
« La Vie comme elle vient » : le charme discret de l’ordinaire
Par Véronique Cauhapé
Le Brésilien Gustavo Pizzi filme avec justesse une famille troublée par le départ d’un enfant.
Tout s’effondre un peu chez les Santi. La maison qui se fissure et prend l’eau. La librairie-papeterie que tient le père, où les clients se raréfient. Et la mère qui, à l’annonce du départ du fils aîné, sent la terre trembler sous ses pieds. Au fond, il n’est que l’amour qui ne se fissure pas dans cette famille de la banlieue de Rio, aux revenus modestes mais au cœur sans limite. Source d’énergie pour la tribu, il a aussi pour mérite d’exalter La Vie comme elle vient, deuxième long-métrage du Brésilien Gustavo Pizzi, dont le titre ne ment pas.
Car il ne s’agit de rien d’autre, ici, que de saisir le courant de l’existence, à travers son quotidien et les émotions qui le traversent. Le charme opère dès les premières séquences du film, autant que l’attachement aux personnages. Cela tient à une multitude de détails dont la somme ennoblit, l’air de rien, les gens et leur histoire. La Vie comme elle vient rend une noblesse à la simplicité, à cet ordinaire qui crée la communauté des sentiments.
Gustavo Pizzi s’emploie, sans faiblir, à cette ambition de dignité. Dans l’attention qu’il porte au langage du corps, à la tristesse d’un regard sur un visage souriant, aux silences et à ces petits riens dont dépend un instant de bonheur, le réalisateur n’omet rien pour nous rapprocher des membres de cette famille soudain bouleversée par l’inattendu. La mère en particulier, Irene (admirable Karine Teles, par ailleurs cosignataire du scénario avec le cinéaste), que la nouvelle bouleverse, jusqu’à remettre en cause la vision à venir de sa propre vie.
Fernando (Konstantinos Sarris), 17 ans, l’aîné des quatre frères, est recruté par une équipe de handball en Allemagne. Il annonce son départ pour l’Europe. L’enthousiasme du fils, que le devoir des parents est d’accompagner, se heurte à une retenue maternelle qu’Irene s’évertue à dissimuler. Pourtant, elle n’échappera pas, dans le flot de ses journées bien remplies, aux crises de panique qui, soudain, la font tour à tour s’écrouler, danser fébrilement au milieu de la cuisine, un casque sur les oreilles, ou s’énerver plus que nécessaire au sujet d’un problème anodin.
Humour et tristesse
Comment faire quand un enfant quitte le nid ? Comment trouver un nouvel équilibre avec un morceau de soi en moins ? Et surtout, comment ne pas insuffler ce désarroi au reste de la famille ? Plus encore, quand le mari, Klaus (Otavio Müller), est un doux rêveur et que la sœur (Adriana Esteves) débarque au bord de la crise de nerfs, victime d’un compagnon violent. Irene, qui a toujours tenu à bout de bras ce petit monde, tente de maintenir à flot sa tribu dont elle sait qu’elle ne sera plus tout à fait la même bientôt.
Continuer sur cette faille donne lieu à des scènes cocasses où se télescopent l’humour et la tristesse, l’excitation et le découragement. Le film néanmoins ne se désengage jamais de cet élan de vie qui l’emporte, et que la caméra escorte en mouvements fluides. Dans ce tourbillon, Gustavo Pizzi dresse le portrait d’une femme qui en dessine d’autres, celles de toutes ces mères qui, au Brésil, ont souvent, seules, la charge de leurs enfants. Et qui doivent faire tourner la maison quand les maris se désespèrent de ne pas trouver de travail, ou de s’y user pour pas grand-chose. Les Santi devront vendre leur maison du bord de mer qui leur permettait de s’offrir des vacances, pour construire un avenir dont ils sont incertains. Mais dans lequel ils mettent tous leurs espoirs. A l’image du film que cet optimisme imprègne, au-delà des épreuves qu’il met en scène.
La vie comme elle vient - de Gustavo Pizzi - Bande Annonce VOST
Durée : 01:43
Film brésilien et uruguayen de Gustavo Pizzi. Avec Karine Teles, Konstantinos Sarris, Adriana Esteves (1 h 38). Sur le Web : www.condor-films.fr/film/la-vie-comme-elle-vient