Un « gilet jaune » lors du réveillon sur les Champs-Elysées à Paris, le 31 décembre 2018. / LAURENCE GEAI POUR LE MONDE

Après une fin d’année marquée par un recul de la mobilisation, les « gilets jaunes » appellent samedi 5 janvier à une reprise du mouvement, espérant capitaliser sur l’interpellation médiatisée d’un des leurs, Eric Drouet, mercredi à Paris, pour relancer leur bras de fer avec le pouvoir.

Sur Facebook, les différents groupes de « gilets jaunes » appellent à tenir leur huitième samedi de mobilisation – l’« acte VIII » – sur les « places symboliques » des villes françaises (places des Brotteaux et Bellecour à Lyon, place de la Bourse à Bordeaux, places du Capitole et Wilson à Toulouse…). A Paris, une manifestation de la place de l’Hôtel-de-Ville jusqu’à l’Assemblée nationale a été pour la première fois déclarée à la préfecture de police par le collectif « La France en colère », constitué autour de deux figures du mouvement, Priscillia Ludosky et Eric Drouet. Beaucoup de manifestants espèrent d’ailleurs que l’interpellation et la garde à vue de ce dernier, mercredi à Paris, permettront de remobiliser.

L’interpellation d’Eric Drouet est aussi vue par de nombreux de « gilets jaunes » comme un signal dissuasif envoyé par les autorités pour éviter les manifestations non déclarées. Face à cette « répression », « La France en colère » suggère à ses sympathisants de retirer leurs gilets jaunes pour « se présenter dans les rues, sur les places, comme les simples citoyens qu’ils sont ».

« La colère va se transformer en haine si vous continuez »

Discrétion ou démobilisation ? Vendredi en début d’après-midi, moins de 1 000 personnes s’étaient désignées comme « participants » sur l’événement Facebook créé par ce collectif. Samedi, des membres de « La France en colère » liront une « lettre ouverte citoyenne », diffusée depuis jeudi soir, pour répondre aux vœux d’Emmanuel Macron du 31 décembre.

« La colère va se transformer en haine si vous continuez, de votre piédestal, vous et vos semblables, à considérer le petit peuple comme des gueux », préviennent-ils notamment. « Changez d’attitude et accueillez-nous autour d’une table pour discuter », lancent-ils, rejetant par avance le grand débat national voulu par le président, « un piège politique ». « Nous ne sommes pas résignés [et] nous irons plus loin. (…) Ne vous pensez pas au-dessus des lois et de la volonté du peuple de France », affirment-ils, invoquant la révolution ukrainienne de 2013-2014 qui avait débouché sur la chute du président prorusse Viktor Ianoukovitch.

Des marches de « femmes gilets jaunes » sont également prévues dimanche. Sur l’événement Facebook du défilé parisien, les organisatrices qui s’affirment comme « complémentaires et solidaires aux hommes » promettent « une action coup de poing ». « Ce n’est pas une lutte féministe mais féminine », peut-on encore lire dans le texte de présentation.

Pour Griveaux, le mouvement « est devenu le fait d’agitateurs »

Depuis les mesures annoncées par Emmanuel Macron le 10 décembre pour gonfler le pouvoir d’achat, l’exécutif réclame un retour à « l’Etat de droit » et à « l’ordre républicain ». « Force doit rester à la loi », a déclaré vendredi le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, fustigeant les « gilets jaunes » qui poursuivent leurs actions malgré les annonces présidentielles.

Le mouvement, « pour ceux qui restent encore mobilisés, est devenu le fait d’agitateurs qui veulent l’insurrection et, au fond, renverser le gouvernement », a déclaré M. Griveaux. Le 29 décembre, le ministre de l’intérieur a demandé aux préfets de continuer « la libération complète et définitive » de la « centaine de points de rassemblements » subsistant en France, par tous les moyens légaux (recours à la force publique, contraventions…).

Très critiques, voire hostiles, envers les médias, les « gilets jaunes » entendent désormais les utiliser dans une guerre d’image face au gouvernement. Dans un Facebook Live jeudi soir à sa sortie de garde à vue, Eric Drouet s’est ainsi félicité d’avoir réussi un « coup de com’ » avec son interpellation devant les caméras.

« On a fait ça pour arriver là. On savait ce qu’ils [la police] ne voulaient pas qu’on fasse, même si c’était légal. (…) On savait un peu comment ça allait se passer », a-t-il expliqué. « Tout est une question d’image. Il va falloir jouer avec ça, a-t-il estimé. Il faut jouer des médias comme eux [le gouvernement] arrivent à jouer des médias. Ils essaient de nous faire passer pour des anarchistes, des casseurs. C’était la monnaie de leur pièce, il va falloir trouver d’autres idées comme ça. »

« Gilets jaunes » : peut-on comparer le mouvement aux révoltes du passé ?
Durée : 07:40

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Face à la police et à la justice