La première ministreTheresa May, au Parlement, le 9 janvier. / Mark Duffy / AP

La marge de manœuvre dont dispose Theresa May pour faire avaliser l’accord sur le Brexit négocié avec l’Union européenne s’est encore réduite, mercredi 9 janvier après-midi, avec le nouveau coup de poing sur la table asséné par les députés. Lors de cette séance agitée, la Chambre des communes a accru son emprise sur la procédure de sortie de l’UE. Contre l’avis du gouvernement, une majorité d’élus (308 contre 297) a adopté un amendement déposé par les proeuropéens, obligeant la première ministre à présenter un « plan B » dans un délai de trois jours si l’accord sur le Brexit est rejeté, comme cela est très probable, lors du vote prévu mardi 15 janvier.

Theresa May, qui presse les députés de voter en faveur de cet accord qu’elle présente comme « le seul disponible » en assurant qu’il n’existe pas d’alternative, s’en voit encore affaiblie. L’amendement, qui donne trois jours parlementaires ouvrés à Mme May pour proposer une autre solution, l’oblige concrètement à rendre sa copie à Westminster avant le lundi 21 janvier, compte tenu du week-end. L’état précédent de la législation lui donnait trois semaines. Cerise sur le gâteau, la déclaration que devra alors faire la première ministre sera amendable. Les députés pourraient donc avancer leur propre proposition : le report de la date du Brexit, prévu le 29 mars, un nouvel arrangement avec l’UE, ou un second référendum par exemple.

L’adoption surprise, mercredi, de l’amendement déposé par Dominic Grieve, député conservateur antiBrexit et ancien attorney general, renforce l’atmosphère de guérilla qui entoure désormais les rapports entre le gouvernement et le Parlement de Westminster sur le Brexit. Mardi soir, un premier amendement limitant le pouvoir du gouvernement d’engager des dépenses en cas de Brexit sans accord (« no deal ») avait déjà été approuvé.

« Mon job n’est pas de faire la claque pour le pouvoir exécutif »

Les deux votes marquent probablement un tournant dans la saga tourmentée du Brexit : pour la première fois, une majorité interpartis s’est dégagée. Seule la défection d’une vingtaine de députés tories et leur choix de voter avec l’opposition l’ont permis. Reste à cette majorité composite, pour l’instant réunie négativement (principalement pour empêcher un « no deal » catastrophique pour l’économie) à se manifester aussi dans un sens positif. Tel pourrait être le cas après le rejet de l’accord, le 15 janvier.

La nouvelle défaite parlementaire essuyée mercredi par le gouvernement May n’aurait pas été possible sans l’attitude ouverte du président (speaker) de la Chambre des communes, John Bercow. Contre l’avis du gouvernement, il a donné le feu vert au vote sur l’amendement Grieve, s’attirant d’un côté les foudres des conservateurs europhobes et de l’autre la reconnaissance de l’opposition et des tories proeuropéens.

Avec ce mélange de poigne et de courtoisie qui le caractérise, M. Bercow a renvoyé vertement les critiques dans leurs filets, avec de larges sourires reflétant sa satisfaction de vivre ces instants de gloire. « Mon job n’est pas de faire la claque pour le pouvoir exécutif. Mon job est de défendre les droits de la Chambre des communes », a déclaré cet ancien député conservateur en réponse aux députés qui l’accusaient d’être partial dans l’intention de faire dérailler le Brexit. Rétorquant à une ministre qui invoquait des précédents parlementaires pour fustiger sa décision d’accepter l’amendement Grieve, le truculent speaker a eu cette réplique digne de rester dans l’histoire du Parlement de Westminster : « Si nous procédions seulement par référence à des précédents, à l’évidence rien ne changerait jamais. »

Brexit : pourquoi l’accord est encore loin d’être appliqué
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