Ligne Intercités Lyon-Nantes, à Roanne (Loire, le 22 juin 2018. / Pierre GLEIZES/REA / Pierre GLEIZES/REA

On attendait la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), ce sera finalement l’Etat qui essuiera les plâtres de l’ouverture à la concurrence du rail. Le gouvernement a dévoilé, mercredi 9 janvier, la publication d’un « avis de pré-information » pour la mise en concurrence des lignes Intercités Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon, deux des sept lignes qui sont sous sa responsabilité.

Début 2020, le ministère des transports lancera un appel d’offres pour mettre en concurrence SNCF Mobilités, l’opérateur de ces deux lignes transportant respectivement 686 000 passagers (Nantes-Bordeaux) et 387 000 voyageurs (Nantes-Lyon) par an, soit environ 1 million de personnes chaque année. Le titulaire de ce marché sera choisi théoriquement en 2021 et lancera ses opérations en 2022.

Le ministère des transports a choisi de tester l’ouverture de la concurrence avec ces deux tronçons, car ils seront totalement rénovés à l’horizon 2022 et disposeront d’un matériel complètement renouvelé. « Sans cela, peu de monde aurait été intéressé par ce marché », reconnaît-on au ministère. Par ailleurs, les deux lignes sont liées, car leur matériel est géré par un même centre de maintenance.

De nombreux groupes devraient se pencher sur cet appel d’offres

« S’agissant des sept autres lignes de train d’équilibre du territoire (dont deux lignes de train de nuit), dont l’Etat restera autorité organisatrice, elles feront l’objet d’un renouvellement ou d’une modernisation de leur matériel au cours des prochaines années, il ne serait donc pas opportun pour le bon fonctionnement de ces lignes de procéder à leur mise en concurrence durant cette même période », indique le ministère des transports.

De nombreux groupes devraient se pencher sur cet appel d’offres pour l’instant assez modeste. Entre les grands groupes publics concurrents, comme Trenitalia ou Deutsche Bahn, les groupes semi-publics, tel Transdev en France, ou privés comme Flixtrain ou d’autres acteurs d’Europe centrale (Leo Express, RegioJet, etc.), cette première ouverture du marché français va aiguiser les appétits.

Pour l’exploitation quotidienne de ces deux lignes, l’Etat verse aujourd’hui quelque 25 millions d’euros de subvention d’équilibre à SNCF (des sommes essentiellement ponctionnées sur les résultats de la branche TGV) quand leur chiffre d’affaires est estimé à quelque 30 millions d’euros par an. « Ce sont des trains d’équilibre du territoire dont les recettes ne couvrent aujourd’hui pas les opérations », indique-t-on au sein du groupe public.

Un test important

« Celui qui gagnera l’appel d’offres, juge un bon connaisseur du secteur, sera sans doute celui qui proposera la plus faible subvention d’équilibre possible à l’Etat. » Au ministère des transports, le but est simple : « On ne cherche pas à sortir le sortant, l’objectif n’est pas de sortir la SNCF », a-t-on précisé. « Ça sera, d’une certaine façon, “Que le meilleur gagne !” »

« Nous ferons tout pour conserver la gestion de ces lignes », assure Guillaume Pepy, le patron de l’opérateur national, qui estime que l’application des réformes liées à la loi ferroviaire fera baisser le « différentiel de coûts » (organisation, régime social, etc.) entre le groupe public et ses concurrents de deux tiers. Au-delà, Rachel Picard, le patronne de Voyages SNCF, a prévu de revoir dans les prochains mois le modèle des Intercités afin de réduire leur déficit d’exploitation. « Même sans la concurrence, nous l’aurions fait », précise-t-elle.

« On va étudier sérieusement cet appel d’offres pour ces trains d’équilibre du territoire, avec du matériel roulant neuf, c’est un bon point, juge-t-on d’ores et déjà au sein d’un groupe concurrent. Il faudra cependant que la SNCF fournisse les données maintenance et les carnets d’entretien, c’est l’objet actuel de discussions concernant le décret données ferroviaires. »

Pour l’Etat, ce test sera particulièrement important, car dans les faits, cela devrait être la première fois qu’un opérateur concurrent entrera de manière importante dans le transport ferroviaire de passagers en France. Thello, une filiale de Trenitalia, opère déjà des trains de nuits sur la ligne Marseille-Milan, mais c’est à une échelle somme toute modeste.

À partir de décembre 2020, des compagnies ferroviaires pourront théoriquement offrir, de manière libre, leurs services sur les lignes à grande vitesse du réseau français

Dans le calendrier d’ouverture du marché à la concurrence, les régions peuvent, dès 2019, faire appel, pour la gestion des TER, à des opérateurs privés, mais aucune ne se presse pour trouver un remplaçant à la SNCF. La région PACA a sondé de potentiels concurrents en lançant un appel à manifestation d’intérêt, qui a recueilli une dizaine de réponses. Les Hauts-de-France, le Grand-Est, la Normandie, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes et les Pays de la Loire sont également intéressés, mais aucune procédure n’a été lancée.

Par ailleurs, à partir de décembre 2020, des compagnies ferroviaires pourront théoriquement offrir, de manière libre, leurs services sur les lignes à grande vitesse du réseau français. Ce sera totalement à leurs frais et avec leur propre matériel, soit des investissements qui peuvent se monter en dizaines, voire en centaines, de millions d’euros rien que pour disposer des trains, homologués pour le réseau national, des équipages et, ensuite, trouver un créneau pour se différencier du groupe public. Aujourd’hui, dans la grande vitesse, la SNCF couvre l’ensemble du marché par le biais de ses TGV à bas coût Ouigo et son offre plus haut de gamme InOui.

Certains opérateurs s’y risqueront sans doute, à l’image de la société espagnole Ilsa, filiale de la compagnie aérienne Air Nostrum (groupe Iberia), qui a annoncé l’ouverture prochaine d’une liaison Madrid-Barcelone-Montpellier pour concurrencer le TGV opéré en partenariat entre Renfe et SNCF.

De fait, ces investissements, plus conséquents, devraient être beaucoup plus rémunérateurs, et donc attirer des fonds d’investissement, que les opérations liées aux appels d’offres de l’Etat et des régions (qui mettent leur matériel à disposition). Pour l’instant, le seul exemple probant d’une réussite privée après la libéralisation du secteur ferroviaire est venu d’Italie, où la société privée Italo a réussi à bousculer Trenitalia.