La Haute Cour de justice de la région de Rangoun (Birmanie) a rejeté, vendredi 11 janvier, le recours en appel de deux journalistes birmans de l’agence de presse Reuters condamnés à sept ans de prison après une enquête sur un massacre de musulmans rohingya par l’armée.

Wa Lone, 32 ans, et Kyaw Soe Oo, 28 ans, ont été arrêtés en décembre 2017, puis condamnés début septembre, en première instance, pour « violation de la législation sur les secrets d’Etat ». Ils sont accusés de s’être procurés des documents relatifs aux opérations des forces de sécurité birmanes dans l’Etat de Rakhine, région du nord-ouest de la Birmanie, théâtre du drame rohingya.

Les deux reporters enquêtaient sur un massacre de membres de la minorité musulmane dans le village de Inn Din au cours d’une opération de l’armée menée un an plus tôt. Ils assurent qu’on leur a tendu un piège. Leurs avocats ont fait appel de leur condamnation en novembre, dénonçant un coup monté par la police, mais aussi des vices de forme et l’incapacité de l’accusation à prouver les éléments-clés du délit.

Fort retentissement

Quelques jours après leur arrestation, l’armée avait reconnu que des soldats et des villageois bouddhistes avaient tué de sang-froid des captifs rohingya le 2 septembre 2017. Sept militaires ont été condamnés à dix ans de prison pour ce massacre.

La condamnation des journalistes de Reuters a connu un fort retentissement à travers le monde, Michelle Bachelet, haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, dénonçant « une parodie de justice ». L’Union européenne a appelé à leur « libération immédiate et inconditionnelle » et le vice-président des Etats-Unis, Mike Pence, a demandé qu’ils soient graciés.

Mais Aung San Suu Kyi, déjà très critiquée pour ses silences sur le drame rohingya, avait défendu leur condamnation, estimant qu’ils avaient été emprisonnés « pas parce que c’étaient des journalistes », mais « parce qu’ils avaient enfreint » la loi.

« Le verdict qui a été rendu en première instance n’était pas erroné et était conforme aux lois en vigueur. Nous avons donc décidé de rejeter l’appel » des deux reporters, a déclaré, vendredi, le juge Aung Naing devant une salle d’audience pleine à craquer de journalistes et de diplomates.

Ce second verdict pourrait encore accentuer les tensions déjà vives entre la communauté internationale et la Birmanie, où les militaires, au pouvoir pendant des décennies, continuent de tirer de nombreuses ficelles malgré l’arrivée au pouvoir en 2016 du gouvernement civil de la Prix Nobel de la paix.