« Gilets jaunes » à Bordeaux : « On ne peut pas laisser tomber après tant d’énergie déployée »
« Gilets jaunes » à Bordeaux : « On ne peut pas laisser tomber après tant d’énergie déployée »
Par Claire Mayer
La préfecture a recensé 6 000 manifestants samedi dans la capitale girondine – plus que la semaine dernière. Des heurts ont éclaté et 41 personnes ont été interpellées.
Un manifestant tient un gilet jaune devant la mairie de Bordeaux, le 12 janvier. / MEHDI FEDOUACH / AFP
La mobilisation des « gilets jaunes » du samedi à Bordeaux débute toujours comme une routine hebdomadaire, presque incongrue. Tous se retrouvent, vers 13 heures, place de la Bourse, avant d’entamer une marche solidaire. Un mouvement qui s’ouvre à chaque fois dans le calme, pancartes en main, chants et slogans choisis avec soin. En ouverture de ce neuvième samedi de mobilisation, le 12 janvier, Karen, l’une des voix du mouvement, demande aux manifestants de s’asseoir, et d’observer une minute de silence « en hommage à toutes les victimes du mouvement ». Elle lit alors au mégaphone les noms et les âges de ceux qui ont perdu la vie depuis le 17 novembre. Une fois la minute passée, en cœur, La Marseillaise est entamée.
C’est ensuite, comme chaque samedi, le défilé des motards, acclamés par la foule, qui traverse le cortège. Ce sont eux qui lanceront le mouvement, qui, cette fois, change son itinéraire. La place de la Victoire, au cœur de la capitale girondine, marque une première étape de cette longue marche, qui traversera toute la ville pendant plus de deux heures. Rapidement, le constat est sans appel : les « gilets jaunes » girondins sont plus nombreux que les semaines passées, et la marée humaine prend possession des grandes artères bordelaises.
Passage par la rue Sainte-Catherine
Christine, figure de proue du mouvement à Sainte-Eulalie, réalise un calcul rapide, sur l’étendue des manifestants sur plus d’un kilomètre. Elle estime le mouvement de ce 12 janvier à « 30 000 personnes mobilisées ». Franck, personnage girondin des « gilets jaunes » l’évalue plutôt à 15 000. La préfecture, quant à elle, annonce 6 000 manifestants.
Arrêtés place de la Victoire, les manifestants hésitent à prendre la rue Sainte-Catherine, plus longue artère commerçante. En ce premier samedi des soldes, le risque est grand pour les commerçants, qui craignent de perdre une fois encore leur précieuse clientèle. Pourtant, de nombreux points d’accès aux axes principaux sont bloqués par les forces de l’ordre, protégeant les badauds décidés à continuer leurs courses.
Si les « gilets jaunes » en tête se détournent au départ de la rue Sainte-Catherine, c’est finalement quelques rues plus loin qu’ils emprunteront finalement ses 1 200 mètres. Les rideaux de fer se baissent les uns après les autres, et les clients sont enfermés le temps que le cortège motivé traverse l’artère.
Projectiles contre gaz lacrymogènes
Le calme apparent sera pourtant de courte durée. Arrivés devant le Grand Théâtre, les « gilets jaunes » sont immédiatement confrontés aux forces de l’ordre. Un manifestant est blessé par un tir de Flash-Ball à la tête. Il est évacué par les pompiers acclamés par la foule. Rapidement, la situation se tend, les CRS postés sont hués, des projectiles sont lancés sur les forces de l’ordre qui ripostent aux gaz lacrymogènes. Des pavés, bouteilles en verre sont utilisés, tandis qu’un orchestre fait danser des manifestants place de la Comédie. Rapidement, les gaz lacrymogènes fusent, obligeant la foule à se disperser.
Comme chaque samedi, sans surprise, le point de chute de la manifestation sera la place Pey-Berland, devenu l’emblème du mouvement, théâtre des derniers affrontements. Quarante et une interpellations seront comptabilisées, selon la préfecture, des vitrines vandalisées, du mobilier urbain dégradé, des poubelles incendiées.
Rapidement dispersés, les manifestants rentrent chez eux en début de soirée. L’envie de battre le pavé était donc toujours présente, même si certains avouent qu’ils ont été tentés de rester chez eux, en famille. Mais, comme l’explique Eric, mobilisé depuis le début, « je suis venu, car si je commence à abandonner, les autres suivront. J’ai déjà raté un samedi pendant les fêtes. Mais quand je vois tous ces gens, toujours là, ça me motive forcément ».
« On ne peut pas laisser tomber après tant d’énergie déployée, tant de chemin parcouru, ensemble, poursuit-il. On doit faire plier le gouvernement, coûte que coûte, même si ça doit être encore long. Il doit réagir rapidement s’il veut calmer les choses. Car nous, on tiendra. » La question d’une prochaine mobilisation ne se pose même plus. Samedi prochain, ils seront encore là.
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