Tessa Clarke, cofondatrice d’Olio. / Annabel Staff/Olio

La Britannique Tessa Clarke s’est lancée dans l’entrepreneuriat en 2015, à 38 ans, en cofondant Olio, visant à lutter contre le gaspillage alimentaire. Utilisée par 750 000 personnes dans plus de 40 pays, l’application connecte des personnes ou des entreprises qui ont des aliments dont elles ne veulent pas à des personnes à proximité qui voudraient les consommer.

Vouliez-vous dès le départ exercer un métier ayant du sens ?

Dès mes études en sciences sociales et politiques à l’université de Cambridge, j’avais en tête d’exercer un métier qui ait un sens. Mais je pensais que le meilleur moyen d’y parvenir était d’apprendre le plus possible, de commencer par une carrière classique puis, plus tard, d’utiliser ce parcours pour travailler dans un organisme environnemental ou humanitaire.

Vous avez longtemps travaillé dans un grand groupe. Que vous manquait-il ?

Quand une entreprise devient très grande, le rythme des innovations ralentit. Et votre impact individuel devient de plus en plus petit. Au cours des huit années passées dans une grande société, j’ai pu entendre, lors de conférences, une multitude de témoignages d’entrepreneurs extraordinaires. Je me suis rendu compte que j’étais jalouse de leurs histoires, fatiguée d’être inspirée par d’autres et non par moi-même.

Derrière chaque idée entrepreneuriale se trouve un moment-clé. Quel a été le vôtre ?

Il y a trois ans et demi, les déménageurs m’ont dit de jeter la nourriture que je voulais laisser dans mon ancien domicile. Je n’ai pas voulu pas le faire. En tant que fille d’agriculteur, je sais ce que représente le travail nécessaire pour produire des aliments. Je me suis donc mise à arpenter les rues de Genève, la ville où j’étais, pour trouver quelqu’un avec qui partager ces aliments. J’ai échoué et me suis dit : cette situation est folle. Il y a sûrement une personne, juste à côté, qui en a besoin, et je n’arrive pas à entrer en contact avec elle.

Cela vous a-t-il été facile de sauter le pas vers l’entrepreneuriat ?

Non, je ne m’étais jamais imaginée entrepreneuse. J’ai dû, d’une certaine façon, briser mon plafond de verre. Après cette expérience à Genève, j’ai fait de plus amples recherches sur le gaspillage alimentaire, un des plus grands problèmes auxquels l’humanité est confrontée aujourd’hui : un tiers des aliments que nous produisons sont jetés, et la moitié de ces déchets provient des foyers ou des communautés locales. Parallèlement, 800 millions de personnes se couchent affamées chaque soir.

J’en ai parlé à mon amie Saasha [Celestial-One], rencontrée il y a quinze ans alors que j’étudiais à Stanford. Il s’est avéré que nous étions partantes pour proposer ensemble une solution. Je ne serais jamais arrivé là sans elle. Nous avons basculé vers un projet entrepreneurial en cofondant Olio, alors même qu’une grande partie de notre entourage ne nous le conseillait pas. A l’époque, nous avions de bons postes et, toutes deux, des enfants en bas âge.

De nombreux jeunes, dans les conférences O21, annoncent vouloir d’emblée donner du sens à leur vie professionnelle. Ressentez-vous cette envie ?

Tout à fait. Nous sommes actuellement dépassés par le nombre de jeunes qui nous contactent pour travailler chez nous. Nous venons de réaliser une campagne de recrutement pour doubler nos effectifs et avons dû refuser beaucoup de candidatures de grande qualité. Je n’avais jamais vécu une telle expérience dans ma carrière professionnelle. Je ne peux que comprendre cette envie. Cela m’a pris trente-huit ans pour trouver un projet porteur de sens. J’espère que d’autres le trouveront plus rapidement que moi.

021 : « L’école ne prépare pas toujours à la créativité »
Durée : 01:31

Vous êtes diplômée d’universités prestigieuses (Cambridge au Royaume-Uni, puis Stanford aux Etats-Unis). Que regardez-vous dans un CV avant de recruter quelqu’un ? N’est-ce pas trop simple de dire que les diplômes ne sont pas importants ?

Pour être honnête, nous ne regardons pas particulièrement les diplômes. Je reconnais l’avoir fait avant, plus tôt dans ma carrière. Actuellement, nous recrutons les personnes principalement sur leur enthousiasme, leurs capacités à apprendre et leur ambition à vouloir se développer et progresser. C’est étonnant de voir à quel point une lettre d’accompagnement éloquente et passionnée peut avoir de l’impact. Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir d’écrire très directement et très personnellement au responsable du recrutement sur les raisons pour lesquelles vous voulez ce poste et pourquoi vous êtes la bonne personne pour l’assumer.