Theresa May face à une motion de censure après sa lourde défaite sur l’accord de Brexit
Theresa May face à une motion de censure après sa lourde défaite sur l’accord de Brexit
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
Le chef de l’opposition travailliste, Jeremy Corbyn, appelle la dirigeante conservatrice à démissionner au lendemain du rejet massif par le Parlement de son accord négocié avec l’UE.
Brexit : le Parlement rejette l’accord défendu par Theresa May
Durée : 01:24
La semaine doit sembler bien longue à Theresa May. Au lendemain du rejet massif de son accord sur le Brexit par les députés, la première ministre britannique fait face, mercredi 16 janvier, à une motion de censure.
Dès l’ouverture des débats au Parlement, le chef de l’opposition travailliste, Jeremy Corbyn, a fustigé un gouvernement « zombie ». Estimant que la dirigeante conservatrice a perdu « la confiance et le soutien » des députés, il l’a appelée à « faire ce qui est juste et démissionner », à moins de trois mois de la sortie de l’Union européenne (UE) prévue le 29 mars. Pour M. Corbyn, des élections législatives anticipées seraient l’occasion de « donner un nouvel élan aux pourparlers sur le Brexit ».
« Le Parlement doit achever sa mission consistant à mettre en œuvre le Brexit », lui a répondu Mme May, pour qui des législatives anticipées seraient « la pire des choses, car elles accentueraient les divisions, sèmeraient le chaos et ne feraient que retarder les choses ».
Theresa May devant le Parlement britannique, mercredi 16 janvier, lors du débat sur la motion de censure. / Reuters TV / REUTERS
Déposée par le Labour, la motion de censure doit être soumise au vote autour de 19 heures, heure locale (20 heures à Paris). L’opposition a commencé à s’unir puisque la motion est signée, outre par M. Corbyn, par les leaders des LibDems, des indépendantistes écossais du SNP, du parti gallois Plaid Cymru et des Verts.
Cette motion a été déposée mardi soir à la suite du rejet, à une écrasante majorité, de l’accord de Brexit longuement négocié par Mme May avec Bruxelles, qui ne satisfait ni les europhobes, ni les europhiles. Le texte a été écarté mardi soir par 432 voix contre 202, du jamais vu dans l’histoire parlementaire britannique. Pire, 118 députés de la majorité conservatrice ont voté contre.
Mais le texte pouvant mettre fin au gouvernement actuel a peu de chance d’aboutir, le Parti conservateur de Mme May et son allié le petit parti unioniste nord-irlandais DUP serrant les rangs derrière elle. Ensemble, ils disposent de la majorité absolue. La première ministre aura besoin de 318 voix pour surmonter ce vote.
Vers un « plan B »
Si Theresa May remporte la motion de censure, elle aura jusqu’à lundi pour présenter un « plan B ». Plusieurs options s’offrent à elle : s’engager à retourner négocier à Bruxelles, ou demander un report de la date du Brexit. Le rejet du texte accroît aussi la possibilité d’un divorce sans accord, le pire scénario pour les milieux économiques.
Une autre hypothèse, celle d’un deuxième référendum, a été défendue par 71 députés travaillistes dans une lettre publiée mercredi. Cette option, rejetée par Theresa May, est « la seule crédible », a jugé la première ministre écossaise, l’indépendantiste et europhile Nicola Sturgeon.
Pour tenter de débloquer la situation, Theresa May a annoncé qu’elle voulait désormais s’entretenir avec des députés de tous les partis « pour identifier les éléments nécessaires en vue d’obtenir le soutien de la Chambre des communes ».
Nigel Dodds, député du DUP, a une nouvelle fois réclamé de revoir les dispositions relatives au « filet de sécurité » (backstop en anglais) sur lesquelles se cristallise le mécontentement. « La première ministre doit réaliser que le backstop est (…) le poison de l’accord de retrait », a-t-il déclaré sur la BBC.
Cette option de dernier recours prévoit la mise en place d’une union douanière entre le Royaume-Uni et l’UE pour éviter le rétablissement d’une frontière physique entre l’Irlande et la province britannique d’Irlande du Nord, si aucune autre solution n’est trouvée à l’issue de la période de transition, prévue pour durer jusqu’à fin 2020.
De nombreux députés britanniques craignent que cela contraigne leur pays à maintenir les liens avec l’UE pour une période indéfinie. « Si rien ne change, alors tout le monde aura un gros problème, y compris les Irlandais, l’Europe et la Commission européenne », a mis en garde M. Dodds.
Côté européen, l’inquiétude d’une sortie sans accord s’est accrue. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a exhorté le Royaume-Uni à « clarifier ses intentions aussi vite que possible », estimant que « le risque d’un Brexit sans accord s’est accru ».
Le négociateur en chef des Européens, Michel Barnier, a exprimé ses « regrets », rappelant que le texte avait été négocié « sur la base des lignes rouges du gouvernement britannique ». Il a annoncé une intensification des préparatifs relatifs au scénario d’un no deal. L’Irlande et la France ont également pris des dispositions en ce sens.