A l’entrée de l’hôtel Ritz, à Paris, en janvier 2018. / LIONEL BONAVENTURE / AFP

Coco Chanel avait sa suite au Ritz. A son tour, Weill s’installe au 15 de la place Vendôme. Dans le salon d’été du palace parisien, la marque de prêt-à-porter féminin présentera sa collection du printemps-été 2019, pour la première fois lors d’un défilé, vendredi 18 janvier.

Quelques jours avant le lancement de la Fashion Week consacrée à la haute couture, lundi 21 janvier, trente silhouettes seront présentées au Ritz, devant une centaine d’invités. Parmi eux devraient figurer des acheteurs de grands magasins et des clients étrangers de cette PME qui réalise 50 % de ses 40 millions d’euros de ventes hors de la France. « Il s’agit de donner un nouvel écrin à la marque », explique Elie Weill, directeur commercial et marketing, après le travail de fond entrepris pour moderniser l’image de cet habilleur.

Fondée par Albert Weill en 1892 à Paris, au pied de la butte Montmartre, la marque a réussi à traverser la seconde guerre mondiale. Lors de l’Occupation, ses fondateurs ont échappé à la mort grâce à « des Justes français qui les ont cachés en France », souligne M. Weill. Au sortir du conflit, Jean-Claude Weill, le petit-fils du fondateur, transforme la marque pour fabriquer du prêt-à-porter et promouvoir ce concept venu des Etats-Unis, à l’aide d’un slogan imaginé par Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de Publicis : « Weill vous va ».

« A l’époque, il n’y avait que des couturiers ou des façonniers qui fournissaient les grands magasins », rappelle M. Weill. La marque se forge une notoriété. En 1980, elle ouvre sur les Champs-Elysées. Le réseau de magasins s’étoffe au cours des années 1990 grâce à la franchise. Il n’en compte aujourd’hui plus qu’une trentaine, dont 20 succursales.

« Le luxe accessible »

Il y a cinq ans, Eliee Weill, représentant de la cinquième génération de la famille d’Albert Weill, encore actionnaire à 100 % de l’entreprise, et son cousin germain, Alexandre Weill, ont entrepris de toiletter cette vieille dame de la mode. Connue pour ses manteaux et ses pantalons en lainage, la marque a relancé son activité en misant sur le haut de gamme. A la faveur de collections dessinées par Mathilde Castello Branco, directrice artistique depuis juillet 2017, Weill brigue « le luxe accessible », selon la formule de son directeur commercial et marketing.

Les collections ne sont plus fabriquées dans les usines d’antan, sises à Laon (Aisne) et Provins (Seine-et-Marne), ni dans l’immeuble construit en 1922 par l’architecte Paul Dupré-Lafon, au pied du Sacré-Cœur. L’ensemble de ses vêtements proviennent de Pologne et d’Italie. Le catalogue fait la part belle aux vestes de tweed, aux pantalons à pinces et aux nœuds de satin, sur un créneau de prix situé entre l’italien Max Mara ou le français Gérard Darel.

Destiné à une femme âgée de plus de 40 ans, argentée, ce positionnement lui permet d’échapper à la crise que traverse le marché français de la mode depuis dix ans, assure M. Weill. La marque qui est vendue dans un réseau de 30 boutiques Weill en France s’est aussi échinée à trouver des relais de croissance pour compenser la disparition des boutiques multimarques qu’elle fournissait en province. Comme d’autres marques de mode féminine, Weill trouve son salut à l’étranger. « Notre export est en croissance de 10 % », précise le dirigeant. La marque s’apprête à ouvrir des boutiques en Ukraine, au Japon et en Chine. Reste à s’y construire une réputation.

La tenue d’un défilé dans un grand hôtel parisien doit lui fournir les images jugées indispensables à la construction de son image internationale. Dans la foulée, la marque partagera photographies et vidéos pour mieux se faire connaître, notamment sur le réseau social Instagram et « raconter cette nouvelle histoire de la parisienne chic », assure M. Weill. L’opération séduction va de pair avec une campagne de publicité dont l’égérie est Ruth Akele, mannequin noire originaire du Niger. Weill s’affranchit ainsi de son image lisse et BCBG.