Le milieu de l’art en quête d’écoresponsabilité
Le milieu de l’art en quête d’écoresponsabilité
Réduire leur empreinte carbone est une préoccupation croissante des musées qui multiplient les initiatives.
La récente exposition au Palais de Tokyo à Paris de Tomas Saraceno, plasticien investi depuis toujours dans l’écologie, témoigne d’une préoccupation partagée par de nombreux artistes : que leur œuvre créatrice puisse s’inscrire dans une démarche respectueuse de la planète. La question n’est pas anecdotique : le contrôle de température nécessaire à la conservation des œuvres et le concept même d’exposition temporaire paraissent en effet difficilement conciliables avec la notion de durabilité, d’où l’accusation parfois assénée de « greenwashing » (écoblanchiment).
Des associations œuvrent ainsi pour concilier l’art et le respect de l’environnement. C’est le cas de COAL et d’Art of Change 21, portées par Alice Audouin, invitée fin novembre 2018 au Centre Pompidou à Paris pour un débat sur la transition écologique dans la culture. Les deux associations ont pour vocation de faire dialoguer artistes, citoyens et scientifiques afin de sensibiliser chacun aux enjeux du changement climatique. Convaincue que la culture est un puissant levier fédérateur, Alice Audouin veille, en outre, au bilan carbone de chacune des actions entreprises par ses structures. Une écoconception qui n’est pas encore généralisée dans le milieu de l’art.
Des conservateurs se mobilisent pourtant autour des questions environnementales. L’International Council of Museums (ICOM), qui fédère les professionnels des musées du monde entier, a lancé, en septembre 2018, un groupe de travail sur la durabilité. Les pistes d’actions retenues n’abordent cependant qu’en dernier lieu la question du rôle environnemental du musée en tant qu’émetteur de CO2. Les musées doivent agir « à travers leurs collections, comme source d’information, comme éducateurs, facilitateurs, activistes et porte-parole, et comme utilisateurs des ressources naturelles », indique l’ICOM.
Normes de conservation
Le Groupe Bizot, cercle très fermé qui réunit des conservateurs des plus prestigieux musées internationaux, aborde, quant à lui, la question sous l’angle des normes de conservation. Il préconise ainsi pour la préservation des matériaux hygroscopiques (qui absorbent l’humidité, comme les tableaux ou les textiles) une humidité entre 40 % et 60 % et une température entre 16 et 25 degrés. L’élargissement de ces plages autorisées est un enjeu de taille, en ce qu’il permet de réduire les besoins de climatisation. Les recherches les plus récentes de l’Institut canadien de conservation et du Centre de recherches sur la conservation des collections de Paris tendent ainsi à assouplir ces normes.
Après avoir veillé à l’application en interne de la Stratégie nationale du développement durable (2010-2013), le ministère de la culture et de la communication applique aujourd’hui la Stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable (2015-2020). Une mission est chargée du pilotage de cette stratégie au sein du ministère, qui devrait déboucher sur des audits énergétiques pour mieux maîtriser la consommation.
Dans la foulée de ces plans, les musées se mettent progressivement au vert. La première étape est un bilan carbone de leurs activités, qui permet d’identifier les potentielles sources d’économie. Le Louvre s’est prêté à l’exercice entre 2015 et 2017 avec, à la clé, une rénovation d’une partie des dispositifs de chauffage et de refroidissement ou encore le remplacement des sources lumineuses halogènes par des LED, moins gourmandes en énergie. Le Musée du quai Branly-Jacques Chirac bénéficie de ses bâtiments récents, qui permettent de réguler la consommation d’eau et d’électricité. Mais le bâti n’est pas le seul poste d’économie possible.
Les expositions temporaires sont ainsi une des principales sources d’émission de carbone des musées : le transport des œuvres, leur emballage et la scénographie pèsent sur le compteur. Pour l’éviter, la Bibliothèque nationale de France (BNF) réutilise autant que possible emballages et éléments de décor. Le MAC/VAL, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), a adopté un système de cimaises en briques de médium qui peuvent être modulées et réutilisées d’une exposition à l’autre.
Des déplacements groupés
S’agissant du transport des œuvres, le Palais des beaux-arts de Lille demande systématiquement à la société de transport qu’il emploie de faire des déplacements groupés avec d’autres établissements artistiques. Au sein d’un même territoire, les groupements d’œuvres et les réserves mutualisées entre musées permettent également des économies : les œuvres de la région Rhône-Alpes sont ainsi réunies dans un entrepôt sécurisé et une navette hebdomadaire réalise les trajets afin de réduire le nombre de voyages d’une ville à l’autre.
Mais comment faire lorsque tous les tableaux d’une exposition ont une provenance différente ? Une solution radicale existe, à laquelle les musées ne sont pas tous prêts à se convertir : utiliser des copies. Le Musée Van Gogh d’Amsterdam propose ainsi des reproductions de très haute qualité, que les musées peuvent acquérir et stocker, économisant au moins le transport retour. Mais le public viendra-t-il pour une simple copie ou une exposition en réalité virtuelle, comme le propose l’Universal Museum of Art (UMA), jeune start-up parisienne qui crée des parcours gratuits et dématérialisés ?