« Je sais tomber » : le « conte de faits » selon Alain Tasma
« Je sais tomber » : le « conte de faits » selon Alain Tasma
Par Emilie Grangeray
Le réalisateur signe un film touchant, dont le rôle principal est remarquablement interprété par Benjamin Voisin.
C’est un jeune homme. Vingt ans et des brouettes. Après trois mois passés à Barcelone, il revient au bercail, dans le village de ses parents. S’inscrit dans une boîte d’intérim parce qu’il faut bien travailler. Trouve une place dans une porcherie. Mais, dans quelques minutes, sa vie va basculer au sens propre : il est renversé par une voiture. La conductrice (Margot Bancilhon) est blonde aux yeux bleus et s’appelle Alice. Lui s’appelle « Kevin Morrin, avec deux R » et est remarquablement incarné par Benjamin Voisin. Découvert dans le premier épisode de Fiertés, la minisérie de Philippe Faucon, il a reçu, en septembre 2018, le prix Adami du jeune espoir masculin au Festival de la fiction TV de La Rochelle, où était présenté Je sais tomber.
Alice est voltigeuse dans un cirque équestre. Elle couche avec le directeur – formidable, mais trop rare Olivier Loustau. Kevin décide de la retrouver. Nécessité de faire pause tant les images qui suivent sont sublimes : soudain plus de voix, plus de musique, juste celle d’un cheval au galop, cette allure à trois temps comme la valse, et, sur son dos, sa cavalière au travail – la grâce d’une danseuse en plus. Après, la vie reprend ses droits, et Kevin ses rêves.
Moment miraculeux
Ainsi, à Julius – géniale Aloïse Sauvage – qui lui fait remarquer qu’il est fou de vouloir devenir voltigeur, qu’il ne sait pas monter, il rétorque : « Oui, mais je sais tomber. Il faut que je m’entraîne, c’est tout. » Toute la détermination de Kevin est là, dans ce « c’est tout » et tant pis s’il se casse la gueule, ce qui arrivera, et plutôt deux fois qu’une. Lui aussi connaîtra ce moment miraculeux où le cheval vous accepte pleinement sur son dos.
Mais point besoin d’aimer les chevaux pour apprécier cette belle fiction. Plus qu’un téléfilm, c’est un véritable conte que filme ici Alain Tasma, comme il le dit : « un conte de faits ». D’ailleurs, point de magie ici, nous sommes dans la France bien réelle, celle pour laquelle les fins de mois sont difficiles, et où le lieu de rendez-vous est le bar-tabac du village. Pas de miracle non plus, mais de l’amour (même provisoire) et un rêve en forme de promesse faite à soi-même : celle d’être heureux.
Je sais tomber, d’Alain Tasma. Avec Benjamin Voisin, Margot Bancilhon, Aloïse Sauvage (Fr., 2018, 90 min). www.arte.tv/fr/videos/072398-000-A/je-sais-tomber