L’appel à la grève de certains « gilets jaunes » réjouit la CGT
L’appel à la grève de certains « gilets jaunes » réjouit la CGT
Par Raphaëlle Besse Desmoulières
La centrale appelle à une grève le 5 février. Des figures du mouvement comme Eric Drouet ont pour la première fois récupéré ce mot d’ordre.
Vers la convergence des luttes ? Ces derniers jours, la thématique de la grève a fait une irruption inattendue dans les fils de discussion de certains « gilets jaunes » sur les réseaux sociaux. Difficile de savoir qui a lancé l’idée. Mardi 22 janvier, c’est, par exemple, un avocat de 32 ans, François Boulo, qui publie sur sa page Facebook un communiqué des « gilets jaunes » de Rouen, signé de son nom, déplorant « que le pouvoir exécutif s’obstine à ne rien entendre » et souhaitant, « suite à l’appel de la CGT », une « grève générale illimitée » à partir du 5 février.
Le 17 janvier, la CGT avait lancé un appel à cesser le travail pour le 5 février afin de « répondre à l’urgence sociale ». Pour elle, il est « indispensable de construire un rapport de force, notamment par la grève, pour imposer au patronat la redistribution des richesses ». Au cœur de ses revendications, « une augmentation du smic, du point d’indice, de tous les salaires et pensions ainsi que des minima sociaux ».
Mais, dans les publications des « gilets jaunes », la mention de la confédération de Montreuil (Seine-Saint-Denis) est loin d’être systématique. Son absence reflète la méfiance envers les syndicats : ainsi, elle n’apparaît plus dans un autre tract relayant le même mot d’ordre, partagé mardi sur Facebook par l’une des figures du mouvement, Eric Drouet, selon une capture d’écran publiée sur le site du Journal du dimanche.
L’action de la CGT ne semble même pas être arrivée aux oreilles des « “gilets jaunes” du rond-point de Die dans la Drôme ». Ces derniers expliquent : « Puisque les directions syndicales semblent dormir, alors nous ferons avec elles comme avec nos pseudo-représentants : on les court-circuite et on le fait nous-mêmes ! » Et de lancer un appel à la « grève générale du travail et de la consommation les 4, 5, 6 février ».
« Moment de la convergence »
Ces initiatives, si elles étaient suivies, constitueraient un tournant dans une mobilisation. Depuis l’automne, les protestataires se sont organisés en occupant les ronds-points et en manifestant les samedis, sans utiliser l’arme de la grève. Une façon de faire durer le mouvement sans créer d’impact sur la fiche de paie. Difficile cependant de dire si ces appels seront entendus dans un mouvement qui agrège certes des salariés mais aussi des précaires, des chômeurs, des retraités, des indépendants… Autant de personnes qui ne sont pas habituées à faire grève.
Depuis le début de la crise, la CGT a tenté de faire revenir la mobilisation dans les entreprises. « Les ronds-points, c’est bien, mais les grèves en semaine, il faut les faire », expliquait son secrétaire général, Philippe Martinez, le 8 décembre, dans un entrtien au Monde.
En interne, on se réjouit de voir émerger le sujet. « Même si ça fait débat, les “gilets jaunes” considèrent qu’il faut bloquer l’économie, souligne Fabrice Angei, membre de la direction confédérale. On en voit les limites sans passer par la grève. » Le syndicaliste est cependant bien conscient du pas à franchir. « La grande difficulté, c’est de faire cesser le travail à des personnes qui, si elles manifestent le samedi ou occupent des ronds-points la semaine, le font aussi parce qu’elles ne perdent pas de salaire, note-t-il. C’est un autre déclic, une autre démarche. »
A la gauche de la gauche, certains ne s’y sont pas trompés. Mercredi, Jean-Luc Mélenchon, le chef de file de La France insoumise, s’en est félicité, jugeant que cela démontre « la vigueur du mouvement ». Idem pour Olivier Besancenot, porte-parole du NPA, qui a salué « un geste » fait du côté des « gilets jaunes ». « Ça doit interpeller les organisations syndicales, c’est peut-être le moment de la convergence », a-t-il ajouté.
Reste aux initiateurs de ces appels à faire de la pédagogie sur les règles qui encadrent le droit de grève, plus strictes dans le public que dans le privé (sauf exceptions, comme le transport aérien), et qui, si elles ne sont pas respectées, peuvent avoir de lourdes conséquences pour le travailleur. L’alpha et l’oméga pour les organisations de salariés. « Ça montre que, dans un mouvement social, on ne peut pas faire abstraction des syndicats », estime M. Angei.