« Explicite », le média d’information en ligne va s’arrêter
« Explicite », le média d’information en ligne va s’arrêter
Par Alexandre Berteau
Faute d’abonnés et d’investisseurs, le site va déposer le bilan. Fondé par des anciens journalistes d’i-Télé, il n’a pas réussi à réunir les 3,5 millions d’euros qu’il cherchait à lever.
« Des reportages sont encore en cours, mais dans quelques semaines Explicite s’arrêtera. » Moins d’un an après son lancement, le média d’information fondé par des anciens journalistes d’i-Télé (ex-CNews), va déposer le bilan dans les prochains jours, a annoncé, jeudi 31 janvier, son directeur de la publication, Olivier Ravanello, dans un communiqué.
Le site d’actualité n’a pas réussi à réunir les 3,5 millions d’euros qu’il cherchait à lever depuis plusieurs semaines. A son lancement, en avril 2018, il avait déjà bouclé un premier tour de table de 1,4 million d’euros. Explicite est détenu à plus de 50 % par les associés fondateurs et 21 % par le financier Guillaume Rambourg, le reste du capital ayant été apporté par des acteurs du monde des médias, comme Xavier Niel, le fondateur de Free (et actionnaire à titre personnel du Monde) et les agences de production Magneto Presse et Les Films du Kiosque.
Seuls 1 800 abonnés recrutés
Les vingt salariés ont appris la nouvelle jeudi. « Même si on savait que le résultat de cette levée de fonds allait conditionner l’avenir d’Explicite, ça a été une surprise », reconnaît le journaliste Paul Conge. Gratuit à ses débuts pour se faire connaître, le média est passé sur abonnement en septembre 2018. Seuls 1 800 abonnés ont été recrutés, alors qu’il en fallait 19 000 pour atteindre l’équilibre. « Il fallait installer la marque et fidéliser une audience. C’est un processus qui prend du temps », explique M. Conge.
Un autre journaliste souhaitant rester anonyme se réjouit d’avoir pu travailler « dans des conditions royales », mais avoue qu’il n’était pas optimiste. « On sentait bien que ça ne marchait pas, confie-t-il. En dehors du milieu des journalistes, personne ne nous connaissait ou voyait passer nos contenus sur les réseaux sociaux. »
C’est pourtant sur YouTube, Facebook et Twitter qu’Explicite a parié pour gagner en visibilité, avant même le démarrage de son site. « L’argent que l’on cherchait à lever aurait permis de mener une campagne de notoriété », regrette M. Ravanello.
Pas de ligne éditoriale identifiée
Le site a choisi d’investir dans des formats variés – articles, vidéos, photoreportages, podcasts – sans se démarquer avec une ligne éditoriale identifiée. Faute d’abonnés en nombre suffisant, et ne proposant pas de publicité, il ne dégageait pas assez de revenus pour poursuivre son activité.
La fermeture d’Explicite témoigne de la difficulté pour un média en ligne de trouver un modèle économique viable. « Le modèle sans publicité était un choix très noble, mais trop risqué », estime un des journalistes. Mais alors que les annonceurs se détournent des sites d’information pour leur préférer des plates-formes comme Google et Facebook, M. Ravanello reste persuadé que la stratégie de l’abonnement est la bonne. « Sur Internet, la publicité n’est pas suffisamment lucrative pour faire fonctionner une rédaction », assure-t-il tout en admettant que faire payer les contenus relève de la gageure.
Le projet Explicite avait été initié début 2017 par 54 journalistes parmi la centaine ayant quitté la rédaction d’i-Télé à l’automne 2016, au terme d’une grève historique ayant duré un mois. Les salariés de la chaîne protestaient contre les choix de l’actionnaire, Vincent Bolloré, notamment l’arrivée à l’antenne de Jean-Marc Morandini, et exigeaient des gages d’indépendance.