Cyberharcèlement : l’ancien journaliste Nicolas Hénin porte plainte contre X pour menaces de mort
Cyberharcèlement : l’ancien journaliste Nicolas Hénin porte plainte contre X pour menaces de mort
Par Service France
Menacé sur Twitter pour avoir signalé le compte de Patrick Jardin, le père d’une victime du Bataclan qui réclamait que soient fusillés les djihadistes français rapatriés dans l’Hexagone, l’ancien journaliste a saisi la justice.
Des dizaines et des dizaines de messages de haine. Des menaces, des insultes mais aussi des appels au suicide et à la mort de sa famille. Nicolas Hénin a déposé plainte contre X pour menaces de mort, menaces de commettre un crime et cyberharcèlement en meute, lundi 4 février.
Depuis jeudi 31 janvier, l’ancien journaliste, aujourd’hui à la tête d’une société de conseil en contre-terrorisme et déradicalisation, subit le harcèlement agressif et ciblé d’une armée de comptes plus ou moins anonymes sur Twitter où l’on pouvait lire par exemple « Tire-toi une balle dans la tête », « Je lui souhaite la même fin que les victimes de Daesh » ou encore « On peut lui proposer un test en laissant sa fille aux mains de l’EI ».
Un flot de haine consécutif à son invitation à signaler le compte d’un emblème de la fachosphère : Patrick Jardin. Ce père d’une victime du Bataclan a réclamé sur le réseau social que soient fusillés les quelque 130 djihadistes français qui doivent être rapatriés en France dans les prochaines semaines. « Comme Leclerc a fait fusiller les Français de la Waffen SS », ajoute Patrick Jardin dans son Tweet, estimant que « ce ne serait que justice ». Parmi ces « revenants », 75 % seraient des « enfants de moins de 7 ans », selon les propos de la ministre de la justice Nicole Belloubet sur RTL, jeudi matin. « Alors tuons aussi leurs enfants, d’ailleurs on devrait commencer par là », tweete une nouvelle fois Patrick Jardin.
Nicolas Hénin prend alors le clavier, et publie une capture d’écran des propos de Patrick Jardin accompagné de ce message :
« Merci de signaler ce compte à Twitter et Pharos [la plate-forme de signalement des contenus en ligne illicite]. Avoir perdu son enfant dans des conditions terribles n’est pas une excuse pour déverser un tel torrent de haine. »
Relayé par une partie de la fachosphère
Le compte de Patrick Jardin suspendu, le « responsable » est tout trouvé pour une grande partie de la fachosphère. D’autant que la chasse en ligne est relayée par des comptes plus officiels. « Censuré à la demande de Nicolas Hénin », lance notamment le dirigeant de la fondation identitaire Polémia et ancien cadre frontiste, Jean-Yves Le Gallou. Damien Rieu – ancien leader de Génération identitaire toujours actif auprès du groupuscule d’extrême droite et collaborateur parlementaire de Gilbert Collard, aux plus de 40 000 abonnés sur Twitter – s’indigne lui aussi, image du compte de Nicolas Hénin à l’appui. Quant à Jean Messiha, membre du bureau national du Rassemblement national, il juge « honteux » que Nicolas Hénin « s’en prenne à Patrick Jardin de la sorte. Se serait-il converti sur place qu’il réagirait pareil. Collabo ! »
Patrick Jardin, qui a créé un autre compte, a, lui, relayé les messages de soutien qui lui sont adressés autant que les insultes envers Nicolas Hénin. Jugeant ici « dommage qu’ils se soient trompés » avec le journaliste américain James Foley, détenu en même temps que le Français et violemment assassiné par les hommes de l’EI. Ou postant, là : « Je me pose d’ailleurs la question de savoir si il n’était pas complice de ses geôliers. »
Enlevé par l’organisation terroriste Etat islamique à Raqqa, en Syrie, Nicolas Hénin est resté dix mois aux mains de ses ravisseurs entre juin 2013 et avril 2014. Parmi eux : Mehdi Nemmouche, le terroriste présumé de l’attentat du musée juif de Bruxelles jugé actuellement, qui l’a maltraité. Ce qui lui vaut une autre forme de violence en ligne, des messages de ce type, envoyés par dizaines : « On aurait dû vous laisser entre leurs mains. »
Des posts photographiés et désormais bien rangés dans un dossier. Car si la plainte est déposée contre X pour s’assurer de l’identité d’internautes souvent cachés derrière des pseudonymes, « une fois que le procureur aura désigné un service spécialisé, il ne sera pas compliqué de remonter vers eux », prévient l’avocat Eric Morain. Plusieurs cyberharceleurs de la journaliste Nadia Daam, défendue elle-aussi par Me Morain, avaient ainsi pu être traduits devant la justice, et condamnés.
« Raids numériques »
Depuis la loi Schiappa d’août 2018, les auteurs de « raids numériques » encourent jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Et ce sans même avoir agressé de manière répétée leur victime. « Ce serait bien que l’on avance également avec les réseaux sociaux, qu’ils collaborent un peu plus s’ils ne veulent pas que tout cela se transforme en pugilat », ajoute Eric Morain avant d’insister : « Menacer de mort n’est pas une opinion. Menacer des familles n’est pas de la liberté d’expression. »
Nicolas Hénin, lui, répète ne pas faire « de différence entre les haines ». Les Tweets de Patrick Jardin tombaient simplement, selon lui, sous le coup de la loi : « Il est interdit par la loi d’appeler au meurtre. Et avoir été victime ne peut être une excuse. »
Georges Salines a lui aussi perdu sa fille, Lola, au Bataclan en 2015. Lui aussi a un compte Twitter. Le 2 février, il a posté ce message, en réponse au harcèlement subi par Nicolas Hénin : « Nous sommes nombreux à avoir perdu nos enfants sous les coups du terrorisme sans pour autant céder à la haine. Je doute fort que les débordements de M. Jardin sur les réseaux sociaux aient des vertus thérapeutiques, ni qu’on l’aide en les tolérant. »