A Marseille, le Parti communiste lance ses combats contre une Europe libérale et nationaliste
A Marseille, le Parti communiste lance ses combats contre une Europe libérale et nationaliste
Par Gilles Rof (Marseille, correspondant)
Pour son premier meeting de campagne, mardi 5 février, la tête de liste pour les élections européennes, Ian Brossat, a laissé la porte ouverte à des alliances à gauche.
Des drapeaux rouges, des gilets jaunes et une liste « arc-en-ciel » qui représente « la diversité de la France » et « bat au rythme des colères et des espoirs qui montent dans le pays ». Au Dock des Suds de Marseille, Ian Brossat a lancé, mardi 5 février, la campagne des élections européennes du Parti communiste. Accompagné d’une partie des 78 autres candidats validés par les adhérents communistes le week-end précédent, l’élu parisien, tête de liste de 38 ans, a martelé un objectif : « Ne pas laisser l’Europe être un combat entre les libéraux d’une part, et les “fachos” de l’autre. »
La date était symbolique, « jour de convergence des manifestations entre “gilets jaunes” et “gilets rouges” dans toute la France », s’est réjoui Ian Brossat, en écho à la mobilisation sociale ce même 5 février. Le lieu, le 2e arrondissement de Marseille, ne l’était pas moins. « Partir d’ici, de cette ville populaire, tournée vers le sud, marquée par les drames, cela n’a rien d’anodin », pointait en ouverture du meeting Pierre Dharréville, dernier député communiste des Bouches-du-Rhône.
Ancien hangar à sucre du port de Marseille devenu salle de concerts, le Dock des Suds a une autre particularité que personne n’a officiellement rappelée, mardi soir. Il se situe dans la circonscription de Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise, qui présente, elle aussi, une liste aux européennes.
Ian Brossat n’a pas échappé, d’entrée, à la question de la division de la gauche. « Moi, je suis toujours partisan du rassemblement et je continuerai à tendre la main à Jean-Luc Mélenchon et à Benoît Hamon. Je constate que M. Mélenchon trace son propre chemin mais je ne désespère pas », a répondu l’adjoint à la maire de Paris. Parmi les cadres communistes présents, personne ne croyait à l’hypothèse d’une alliance avec les « insoumis » avant les européennes. « Un rapprochement avec Benoît Hamon est plus possible », assurait un élu marseillais, étonné toutefois de « n’avoir vu personne de Génération.s au meeting ». « Si ce rassemblement ne peut pas se faire maintenant, il faudra bien qu’il se fasse par la suite pour que la gauche retrouve le chemin du pouvoir », prévoyait un Ian Brossat, bien décidé à ne pas se laisser gâcher le lancement de sa campagne par des questions d’alliance.
« Une belle liste »
Le bon millier de militants venus de Marseille, mais aussi des rives de l’étang de Berre ou de plus loin dans le grand Sud-Est, de Nice à Sète, partageait la même envie. Beaucoup de retraités, cheminots, anciens de la sidérurgie, de l’industrie pétrolière étaient présents. Des très jeunes aussi, comme Gaëlle Marly, 18 ans dans quelques jours, qui « suit Ian Brossat sur les réseaux sociaux et a apprécié son discours, notamment sa position sur les migrants ».
Face à ce public, plus dense qu’il ne le prévoyait lui-même, le candidat Brossat a fait l’éloge de ses colistiers, pour la plupart inconnus. « Nous avons une belle liste. La seule constituée à moitié d’ouvriers et d’employés. C’est la gauche sociale, hors les murs, qui se bat tous les jours. L’esprit de résistance face aux puissants », a-t-il défini, insistant sur le fait qu’un tiers de ces colistiers « n’était pas membre du Parti communiste ».
Dans une salle réactive, le défilé des candidats a permis aux militants de mettre des visages sur les chiffres. Celui de l’auteure Maryam Madjidi, prix Goncourt du premier roman en 2017, appelant les présents à « être forts et unis contre la menace nationale et fasciste qui gronde dans cette Europe ». Du cancérologue Anthony Gonçalves, local de l’étape, très applaudi. Ou de l’ouvrière textile Marie-Hélène Bourlard, figure du film Merci Patron ! de François Ruffin et numéro 2 de la liste, concluant son allocution enthousiaste par un « Et à la fin, c’est nous qu’on va gagner » acclamé.
« Salaire minimum européen »
Sans faire disparaître le rouge majoritaire, la colère des « gilets jaunes » était omniprésente. Dans le message vidéo du champion d’Europe de taekwondo des plus de 35 ans, Mamoudou Bassoum, comme sur les épaules d’Elina Dumont, 50 ans, ancienne sans-domicile-fixe devenue intervenante régulière de l’émission « Les Grandes gueules » de RMC.
Les présentations passées, restait à Ian Brossat à entrer dans le dur du programme. La tête de liste a d’abord regretté que « le président Macron ait l’idée d’escamoter le sujet de l’Europe en organisant un référendum en même temps ». Puis il a décliné les mesures qui donnent corps à son slogan de campagne « L’Europe des gens contre l’Europe de l’argent ». La création d’un « fonds européen pour le développement des services publics » alimenté par la banque centrale européenne, « la mise en place d’une taxation à la source des multinationales » pour lutter contre l’évasion fiscale, « combat majeur » du mandat des députés européens communistes. Ou encore l’interdiction des délocalisations industrielles, la réforme du système du travail détaché en Europe et la création d’un « salaire minimum européen ».
Ian Brossat a également fait applaudir les journalistes de Mediapart et l’association SOS Méditerranée, basée à Marseille et qui prévoit de reprendre prochainement ses opérations de sauvetage de réfugiés. « C’était un meeting régénérant », appréciait à la sortie l’ex-conseillère régionale PC Catherine Lecoq, se disant « ravie de voir des candidats aussi enthousiastes et une liste aussi hétéroclite ».