« Alita : Battle Angel » : une série B dans un habit de superproduction
« Alita : Battle Angel » : une série B dans un habit de superproduction
Par Thomas Sotinel
L’adaptation du manga « Gunnm » est attendue depuis si longtemps qu’elle croule sous le poids des désirs et des craintes.
Une demi-heure en moins, un pedigree moins illustre et Alita : Battle Angel remplirait avec les honneurs son office de film du samedi soir. Mais cette adaptation du manga Gunnm est attendue depuis si longtemps qu’elle croule sous le poids des désirs et des craintes. Ceux des millions de lecteurs de Yukito Kishiro, ceux des fidèles de James Cameron qui en a acquis les droits – sur les conseils de Guillermo del Toro – au début de ce siècle.
Après la réorientation professionnelle du metteur en scène de Titanic – qui se consacre désormais uniquement à la culture numérique des Na’vi d’Avatar –, la réalisation d’Alita a été confiée à Robert Rodriguez. C’est à lui que l’on doit sans doute le parfum de série B qui flotte sur le film. C’est cet arôme qui dissipe en partie l’impression qui naît, au bout de ces deux heures de débauche de pixels organisés en trois dimensions, d’assister à une démonstration de savoir-faire destinée à on ne sait quels investisseurs.
Alita est un cyborg, dont l’humanité est tributaire des artefacts fabriqués par d’autres humains. A l’écran, l’actrice Rosa Salazar devient – par la grâce de la performance capture et de la réécriture numérique des images – un être dont l’inhumanité se perçoit essentiellement lorsqu’elle est juxtaposée à l’humanité intégrale des membres d’une impressionnante distribution : Christoph Waltz en génie de la fusion des corps et des machines, Jennifer Connelly, son épouse et collègue, passée du mauvais côté de la barrière, Mahershala Ali en entrepreneur délinquant qui règne sur Iron City.
Après l’apocalypse
Car cette histoire se passe dans une de ces villes où vivotent les humains après l’apocalypse, pendant qu’au-dessus d’eux flotte une île d’abondance. L’architecture, l’atmosphère des rues évoquent vaguement l’Amérique latine, plus sûrement une impression de déjà-vu. C’est dans la décharge d’Iron City, remplie des détritus jetés de l’île dans le ciel, que le docteur Ido a découvert les restes d’un cyborg au physique d’adolescente. Après lui avoir rendu une forme humanoïde, le docteur se spécialise dans l’augmentation des capacités sportives des adeptes du motorball, sport ultraviolent et opium du peuple.
La frêle jeune fille (le bon docteur lui a donné le corps de sa fille disparue) se révèle bientôt être une guerrière capable de répandre la mort et la destruction, donc de faire une excellente concurrente dans la perspective de la prochaine compétition de motorball. Laquelle fournit au film un morceau de bravoure qui témoigne du savoir-faire des programmateurs et graphistes sans rien apporter à l’intrigue.
Faute de connaître Gunnm, j’ignore combien de ces emprunts au patrimoine hollywoodien sont passés par le manga, mais de Rollerball à Elysium, les références sont pesantes. Ce qui pourrait faire l’originalité du film – les interrogations ontologiques d’Alita (suis-je une femme ? suis-je une machine ?), la structure sociale d’une communauté où la frontière entre l’humain et le non-humain s’est faite poreuse – est traité comme s’il s’agissait de tout expliquer à une classe d’adolescents dissipés.
Reste la conduite vigoureuse du récit, et les petits écarts de conduite que Robert Rodriguez, qui aime faire sortir les yeux de la tête de ses spectateurs, s’autorise. Que Jennifer Connelly – sorcière dépressive – se transforme brusquement en vamp ou qu’un méchant rencontre une fin particulièrement sophistiquée, on voit le fantôme du petit film pour teenagers qui hante cette énorme entreprise.
Alita : Battle Angel | Nouvelle Bande-Annonce Officielle | VF HD | 2019
Durée : 02:45
Film américain de Robert Rodriguez. Avec Rosa Salazar, Christoph Waltz, Mahershala Ali, Jennifer Connelly (2 h 02). Sur le Web : www.foxfrance.com/alitabattleangel et www.foxmovies.com/movies/alita-battle-angel