Siéger parmi les « sages » est-il compatible avec un passé terni par une condamnation pénale ? Les députés de la commission des lois de l’Assemblée nationale qui auditionnaient l’ancien premier ministre Alain Juppé, jeudi 21 février, en vue de sa nomination au Conseil constitutionnel, ont décidé que oui. Vingt et un députés se sont prononcés favorablement et quiatre défavorablement, pour deux bulletins blancs ou nuls.

Avant que les parlementaires procèdent au vote, Alain Juppé avait déclaré avoir débattu en son « âme et conscience » de la moralité de sa nomination avant de plaider sa cause au nom d’un « droit à l’oubli ». En 2004, M. Juppé a été condamné à quatorze mois d’emprisonnement avec sursis dans le dossier des emplois fictifs de la Mairie de Paris. « Les faits qui m’ont été reprochés remontent au début des années 1990, au moment où le législateur mettait en place un cadre légal pour le financement des partis politiques. J’ai purgé ma peine », s’est-il défendu devant la commission.

« Pas d’empêchement juridique »

D’emblée, le candidat malheureux aux primaires de la droite et du centre de 2016 a dit avoir été « surpris » de la proposition faite la semaine précédente par le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand (LRM), de le proposer comme membre du Conseil constitutionnel. « Je me suis d’abord demandé si j’en étais digne. J’ai donc interrogé le président de l’Assemblée nationale avant d’accepter sa proposition pour savoir si ma condamnation pénale constituait un obstacle juridique », a-t-il indiqué.

M. Ferrand a répondu qu’« il n’y avait pas d’empêchement juridique, mais il y a évidemment dans tout cela une dimension morale que je ne veux pas éluder », a poursuivi M. Juppé. Le maire de Bordeaux a aussi souligné que la cour d’appel de Versailles lui a « en grande partie rendu [son] honneur » en jugeant « expressément » qu’il ne s’était « rendu coupable d’aucun enrichissement personnel ». Il a aussi dit voir « une forme de pardon » dans ses réélections successives à Bordeaux.

Reste la question des compétences de M. Juppé, qui a reconnu ne pas être juriste même s’il a fait du droit constitutionnel et administratif à Sciences Po. « Mais là aussi, on peut parler de droit à l’oubli », a-t-il ajouté, suscitant des rires dans la salle. « Est-ce un handicap rédhibitoire ? Vu de l’extérieur, il me semble au contraire que la diversité des parcours professionnels de ses membres constitue une richesse pour le Conseil », a-t-il estimé.