Des membres des Forces démocratiques syriennes (FDS), à proximité de Baghouz, Syrie, le 19 février. / Felipe Dana / AP

En décembre, le président des Etats-Unis, Donald Trump, annonçait avec fracas et sur Twitter un retrait immédiat des 2 000 soldats américains déployés en Syrie, au risque d’entraîner un bouleversement géopolitique majeur dans la région. Ces troupes seront maintenues dans le nord-est de Syrie afin de convaincre les gouvernements européens de participer à une force d’observation d’un millier d’hommes. Cette force aura notamment pour objet de protéger les alliés kurdes et arabes qui livrent dans cette région leurs toutes dernières batailles contre les djihadistes de l’Etat islamique (EI).

Jeudi soir, la porte-parole de l’exécutif américain, Sarah Sanders, avait annoncé qu’« un petit groupe de maintien de la paix d’environ 200 soldats restera en Syrie pour un certain temps ». Mais pour M. Trump, qui s’est exprimé à ce sujet vendredi 22 février, il n’est pas question de faire « machine arrière ». Le sénateur républicain Lindsey Graham, qui s’était publiquement opposé au retrait militaire total de Syrie, s’est pour sa part félicité sur la chaîne Fox News de la décision du président américain, qui a « ajusté sa politique ». M. Graham a qualifié la résolution prise de « très bon plan (…). Ces 200 soldats vont probablement attirer 1 000 Européens ».

Pas de changement dans la campagne militaire

« Des milliers d’Européens ont été tués par des combattants de l’EI venus de Syrie en Europe, a affirmé le sénateur, exagérant largement le nombre de victimes des attentats attribués à l’EI en Europe. Maintenant, la tâche incombe à l’Europe. 80 % de l’opération devrait être européenne et peut-être 20 % pour nous. »

Selon les estimations du Global Terrorism Index, établi annuellement par le centre de recherche Institute for Economics and Peace, le terrorisme a fait quelque 700 morts en Europe depuis 2014, année de l’autoproclamation par l’EI de son « califat » sur un large territoire à cheval sur la Syrie et l’Irak. Mais M. Trump souhaite retirer les troupes américaines des théâtres extérieurs comme la Syrie et l’Afghanistan, conformément à son slogan « l’Amérique d’abord ».

Le chef d’état-major américain, le général Joe Dunford, s’est déclaré convaincu que les Européens accepteraient de participer à cette force maintenant que les Etats-Unis ont accepté de maintenir certains effectifs. « Il n’y a aucun changement dans la campagne militaire, a-t-il précisé à la presse. Les ressources sont ajustées parce que la menace a changé. »

Ne pas abandonner les Kurdes à leur sort

L’objectif est double : maintenir un effort antiterroriste pour éviter la résurgence de l’EI, passé dans la clandestinité, mais aussi ne pas abandonner à leur sort les Kurdes et leurs alliés arabes au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui ont mené sur le sol syrien les combats contre l’EI, avec l’appui de la coalition, et que la Turquie menace d’attaquer. « Nous avons besoin d’une zone tampon entre la Turquie et les Forces démocratiques, a indiqué M. Graham. On ne veut pas finir une guerre et en déclencher une autre. »

Le secrétaire à la défense américain, Patrick Shanahan, a assuré que la mission des militaires américains en Syrie n’avait pas changé, en recevant vendredi le ministre turc de la défense, Hulusi Akar. « La transition à laquelle nous travaillons est la stabilisation et l’amélioration des capacités des forces de sécurité locales, a ajouté le secrétaire à la défense. Nous ferons ça en partenaires stratégiques. »

« Pas de Français au sol sans Américains »

Son homologue turc a tenu à souligner qu’Ankara n’avait rien contre les populations kurdes de Syrie. « Ce que nous combattons, ce sont les organisations terroristes », a-t-il ajouté, en référence à la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), une des composantes, essentiellement kurde, des FDS. L’idée de cette zone de sécurité avait été fraîchement accueillie par les Européens, qui avaient été pris de court par la décision unilatérale de M. Trump de se retirer de Syrie.

« Il est totalement hors de question d’avoir des Français au sol sans les Américains » sur le terrain, avait affirmé à l’AFP une source française. Questionné vendredi, un responsable militaire a indiqué sous le couvert de l’anonymat que si le nombre exact des militaires qui participeront à la force américaine évoquée par la Maison Blanche et sa composition n’étaient pas encore connus, l’objectif était d’en faire « une force qui puisse rendre les choses possibles ». Outre les 200 militaires dans le nord-est, Washington compte maintenir une présence sur la base américaine d’Al-Tanf, dans le sud du pays.