A La Havane, le 20 février. Les Cubains ont désormais accès à Internet, surtout depuis le déploiement de la 3G en décembre 2018. / Ramon Espinosa / AP

Plus de huit millions de Cubains sont appelés, dimanche 24 février, à se prononcer sur leur nouvelle Constitution, un référendum qui a valeur de test pour le système socialiste, devenu l’ennemi juré de Donald Trump sur le continent américain.

Le texte doit remplacer la Constitution de 1976 en y apportant des changements comme la reconnaissance du marché, de la propriété privée et des investissements étrangers comme nécessaires dans une économie en berne et minée par les pénuries. Il apporte une base légale à l’actualisation du modèle économique cubain initiée en 2008 par le président de l’époque, Raul Castro, qui a permis à des particuliers de lancer leur activité privée : ils représentent aujourd’hui 591 000 personnes, soit 13 % de la force de travail.

Mais il ne transige pas sur le caractère unique du Parti communiste cubain (PCC) et réaffirme que « l’être humain n’atteint sa pleine dignité que dans le socialisme et le communisme ».

La mention n’est pas anodine, à un moment de fortes tensions politiques en Amérique latine, concentrées autour de la crise au Venezuela. Bien décidé à obtenir le départ du président Nicolas Maduro, Donald Trump a assuré lundi que « les jours du communisme » étaient « comptés au Venezuela, mais aussi au Nicaragua et à Cuba », trois pays dénoncés comme « la troïka de la tyrannie » par Washington.

Début février, il insistait déjà sur sa « détermination à ce que l’Amérique ne soit jamais un pays socialiste ». Mais à moins de 200 kilomètres des côtes américaines, la volonté est elle aussi intacte : « Nous avons construit et nous défendrons une révolution socialiste sous leur nez », a lancé cette semaine le ministre cubain des affaires étrangères, Bruno Rodriguez.

Le temps du réchauffement diplomatique entre Cuba et Etats-Unis, qui avaient rouvert leurs ambassades respectives en 2015, semble bien loin. Face aux pressions de M. Trump, « la première victoire, c’est celle que nous devons assurer (…) dimanche en votant oui à la Constitution, pour la révolution, pour Fidel et pour Raul », a promis le président Miguel Diaz-Canel, qui a succédé en avril dernier aux frères Castro.

SMS censurés

Depuis des semaines, le gouvernement cubain ne ménage pas ses efforts dans sa campagne pour le oui (#YoVotoSi), omniprésente sur les réseaux sociaux, à la télévision et même sur les bus et commerces de l’île. Le bulletin de vote offrira le choix entre deux cases, oui ou non, à cette question : « Ratifiez-vous la nouvelle Constitution de la République ? »

L’opposition, à la différence des scrutins traditionnels où elle appelle généralement à s’abstenir ou voter nul, plaide cette fois pour un grand non. Mais si son slogan, #YoVotoNo, est largement partagé sur les réseaux sociaux, difficile de le voir ailleurs : il est absent de l’espace public et même censuré dans les SMS.

Le nouveau texte constitutionnel a été rédigé non pas par une Assemblée constituante, comme beaucoup le réclamaient, mais par une commission composée de 33 députés et présidée par Raul Castro, qui demeure le premier secrétaire du comité central du PCC.

Un débat public s’est par la suite tenu entre août et novembre 2018, et des modifications ont été proposées par des assemblées de quartier, des centres de travail et des universités. Mais certaines demandes, comme une plus grande démocratisation du système politique, n’ont pas été prises en compte.

D’autres parties du texte ont finalement été retirées du projet original, comme l’élection du président au suffrage universel direct et secret – la nouvelle Constitution prévoit la création d’un poste de premier ministre au côté du président et limite le mandat de celui-ci à cinq ans renouvelable une fois –, ou encore la définition du mariage comme une union « entre deux personnes », sans en spécifier le sexe, ce qui aurait ouvert la voie au mariage entre personnes du même sexe.

« Unions de fait »

Devant le rejet d’une partie de la population et des Eglises catholique et évangéliques, le gouvernement a fait marche arrière et défini le mariage comme une « institution sociale et juridique », laissant le soin au code de la famille d’inclure ou non, d’ici deux ans, le mariage homosexuel, qui sera lui-même soumis à référendum. La nouvelle formulation protège « les unions de fait, sans les lier à un genre en particulier », estime la députée Mariela Castro, fille de Raul Castro et militante de longue date de la cause LGBT.

En 1976, la Constitution avait été validée à 97,7 % par référendum. Cette année, le politologue Carlos Alzugaray mise plutôt sur « 70 à 80 % » d’approbation, car « le pays a changé et la Constitution est différente, plus compliquée ». Désormais les Cubains ont accès à Internet, surtout depuis le déploiement en décembre de la 3G sur l’île : Twitter est devenu la caisse de résonance des critiques, notamment celles des Cubains de l’étranger, privés de vote.

Si le oui l’emporte, le texte entrera en vigueur une fois publié au journal officiel. A partir de cette date, le président sera limité à deux mandats consécutifs de cinq ans. Si le non gagne, la Constitution de 1976 restera en vigueur et il faudra légiférer pour l’adapter à l’ouverture économique de l’île. Les premiers résultats officiels seront connus lundi après-midi.