Romain Ntamack, de dos, après son essai contre l’Ecosse. / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Maintenant, ils savent ce que cela fait. Le XV de France a gagné un match de rugby. Chose nouvelle pour les Félix Lambey, Demba Bamba, Romain Ntamack, Thomas Ramos, Damian Penaud. Samedi 23 février après-midi, il faisait grand beau dans le ciel de Saint-Denis et sur le visage de ces jeunes gens. Tous ont découvert la sensation de la victoire, en l’occurrence contre l’Ecosse (27-10), pour cette troisième journée du Tournoi des six nations.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web

Tous avaient déjà vécu des désillusions. Les plus récentes, pour commencer : cette démonstration subie chez les Anglais (44-8), ce match imperdable mais perdu quand même contre les Gallois (19-24). « Quel bonheur de pouvoir enfin gagner avec l’équipe de France », biche, par exemple, Félix Lambey. A 24 ans, le deuxième-ligne avait perdu pour ses quatre premiers matchs avec les Bleus.

Le Lyonnais ressent ce mélange de « soulagement » et de « fierté » compréhensible en pareille circonstance. « C’était beaucoup de pression et enfin ça arrive, dans ce Stade de France avec énormément de monde », poursuit le joueur. Plus précisément 78 000 spectateurs, stade comble : les organisateurs ont pris le micro en seconde période pour communiquer l’affluence officielle ; une pratique bizarrement oubliée lors des matchs précédents, des flops en termes de billetterie.

La ligne arrière a joué comme à Toulouse

Au-delà de ces cinq novices, d’autres jeunes gens ont contribué au succès du jour. Arthur Iturria et Antoine Dupont goûtaient respectivement — et seulement — à leur deuxième et quatrième victoires. « Peut-être qu’à un moment on apprend de nos erreurs », sourit le second nommé.

Le demi de mêlée du Stade toulousain, 22 ans, a joué en terrain connu. Tout autour de lui, des coéquipiers de club. Des jeunes : Romain Ntamack (19 ans) à l’ouverture, Thomas Ramos (23 ans) à l’arrière. Des moins jeunes : Yoann Huget sur l’aile gauche. Voire un ex-Toulousain : Gaël Fickou au centre. « On n’a pas trahi les intentions [de jeu] qu’on a avec Toulouse », estime Dupont. Sous-entendu : les lignes arrières ont joué, et si possible à la main. « On se trouve vite. On a tenté des coups quand ils se sont présentés. Et quand ça ne marchait plus, on a su aussi mettre du jeu au pied, gérer l’alternance. » Même le Clermontois Damian Penaud aurait cette « mentalité toulousaine », parole de connaisseur.

Quatre essais ont récompensé ce XV de France : l’un de Ntamack, l’autre de Huget, puis deux fois du remplaçant Alldritt, un autre jeune, Rochelais celui-ci. Bilan « globalement satisfaisant », selon Antoine Dupont. La nuance adverbiale s’impose, si l’on tient compte de l’adversaire du jour : une équipe d’Ecosse sans talent ni allant, qui n’a plus gagné sur le sol français depuis 1999. Côté adverse, combien de passes mal assurées, combien de ballons savonneux ! Il manquait cet après-midi au XV du Chardon un Finn Russel, un Stuart Hogg, et tant d’autres joueurs ayant déclaré forfait avant le match pour cause de blessure.

Le rugby français reste en retard sur les nations majeures

L’ironie voudra que tous les jeunes Français et leurs aînés (Guirado, capitaine désormais souriant en conférence de presse, Picamoles, Bastareaud) ont rendu service à une quasi-centenaire. C’est en effet l’âge qu’atteindra bientôt la Fédération française de rugby (FFR). L’avant-match contre l’Ecosse a servi de prétexte à des animations pyrotechniques pour commémorer son centième anniversaire avec trois mois d’avance, la FFR étant née le 13 mai 1919.

En avance pour les anniversaires, le rugby français reste cependant encore bien en retard sur les nations majeures du rugby, à sept mois de la Coupe du monde 2019. Ce que reconnaît implicitement Lambey : « Il y a certainement encore beaucoup de choses à travailler mais on a été courageux, solidaires en défense. On a fait beaucoup de fautes, moi le premier, j’ai été sifflé quelques fois, mais dans l’état d’esprit on a été présents. »

Avant un prochain match forcément compliqué en Irlande, le sélectionneur Jacques Brunel a à peine amélioré son bilan : 4 victoires… en 14 matchs. Un bilan négatif que le public du Stade de France semble aussi mettre au débit de Bernard Laporte, actuel président de la FFR : sifflets et cris de réprobation ont salué l’apparition de son visage sur l’écran géant du stade durant la seconde période. Avant les applaudissements réservés aux joueurs enfin victorieux.

Le Pays de Galles renverse l’Angleterre et reste seul invaincu

« Inverser la situation » se dira peut-être un jour « jouer comme un Gallois ». Après sa « remontada » lors du match d’ouverture en France (remontant 16 points de débours), l’équipe du Pays de Galles s’est imposée, samedi 23 février, face à l’Angleterre au terme d’une nouvelle « dod yn ôl » (le même terme traduit dans la langue du pays). Menés 10-3 à la mi-temps, les joueurs du XV du Poireau s’imposent (21-13) dans leur stade de Cardiff en ébullition, privant même leur adversaire du point de bonus défensif.

Les hommes de Warren Gatland s’adjugent leur douzième victoire d’affilée, effaçant un record tenant depuis un siècle. Désormais seul en tête du Tournoi des six nations, le Pays de Galles se déplacera en Ecosse lors de la prochaine journée, avant de recevoir l’Irlande pour peut-être s’adjuger son premier Grand Chelem depuis 2012.