Un député ex-FN emploie la fille du porte-parole de Poutine au Parlement européen
Un député ex-FN emploie la fille du porte-parole de Poutine au Parlement européen
Par Jean-Baptiste Chastand, Lucie Soullier
Aymeric Chauprade, député au Parlement européen, a justifié ces stages au « Monde » : « Au nom de quoi on s’interdirait de recruter la fille d’une personnalité ? »
Aymeric Chauprade et Marine Le Pen, à Paris, en mai 2014. / PIERRE ANDRIEU / AFP
Aymeric Chauprade, député ex-FN au Parlement européen, emploie la fille du porte-parole de Vladimir Poutine comme stagiaire à Bruxelles. Une information révélée par Radio Free Europe-Radio Liberty et confirmée au Monde par Aymeric Chauprade lui-même. « Je l’ai en stage depuis novembre dans le cadre autorisé par le Parlement européen. Son contrat a d’ailleurs été validé et renouvelé une fois par l’administration. Je ne l’ai pas embauchée comme ça de manière cachée. »
Le nom d’Elizaveta Peskova, fille de Dmitri Peskov, apparaît en effet sur la page internet de l’élu, membre de la commission des affaires étrangères et de la sous-commission sécurité et défense du Parlement européen. A ceux qui « crient que le grand méchant loup Poutine est entré », Aymeric Chauprade répond que la fille du porte-parole du Kremlin n’a accès qu’à « certains » travaux des commissions – « ceux qui sont publiés sur le site du Parlement » – mais à « aucun huis clos » ni aux travaux de la délégation UE-Russie à laquelle il appartient également. Entend-t-elle des conversations sensibles liées à ces sujets ? « Elle est dans un bureau séparé du mien et ne touche à aucun domaine sensible », se contente de répondre le député européen russophile.
Francophile, Elizaveta Peskova, 21 ans, poste régulièrement des photos d’elle prises à Paris sur son profil Instagram. Elle s’y livre parfois à quelques commentaires politiques, comme ce 25 novembre où elle est présente sur les Champs-Elysées à l’occasion d’une manifestation de « gilets jaunes ». « Une sorte de bacchanale a lieu dans la rue principale de l’Europe de l’Ouest !, écrit-elle. C’est cool, bien sûr, que les gens puissent exprimer leur mécontentement, mais pour l’instant, on ne sait pas si cela mènera à quoi que ce soit… »
Conflit d’intérêts ou « procès d’intention » ?
S’il « accepte » que la question du conflit d’intérêts soit posée, l’ancien conseiller de Marine Le Pen sur les relations internationales met en garde contre tout « procès d’intention » : « Au nom de quoi on s’interdirait de recruter la fille d’une personnalité ? » Les réseaux pro-Poutine cultivés par le principal intéressé, peut-être. Durant le référendum organisé pour justifier le rattachement de la Crimée à la Russie, Aymeric Chauprade avait ainsi été invité en tant qu’« observateur » par une association pro-Kremlin, avant de militer contre les sanctions économiques européennes prononcées contre la Russie ou d’affirmer encore lundi sur le média pro-Kremlin Sputnik être « persuadé que la Crimée est russe ».
L’élu européen convient qu’il connaissait le porte-parole de Vladimir Poutine avant d’employer sa fille. « J’ai appris incidemment qu’elle étudiait le droit à Paris. Je l’ai rencontrée et elle m’a dit que ça l’intéressait… » La cinquième stagiaire d’Aymeric Chauprade depuis le début de son mandat est « logée à Bruxelles » – sans davantage de précision – et rémunérée 1 000 euros par mois, depuis le début de son stage en novembre, jusqu’à la fin, prévue fin avril. Une somme tirée de l’enveloppe parlementaire du député européen « sous contrôle juridique du Parlement », insiste ce dernier. « Les seules conditions pour les stages auprès des députés sont d’avoir au moins 18 ans et de respecter les crtières de résidence du pays d’accueil », explique une porte-parole du Parlement européen.
Témoin à charge contre son ancien parti (le Front national, rebaptisé depuis Rassemblement national) dans l’affaire des assistants parlementaires, Aymeric Chauprade a quitté le parti de Marine Le Pen en 2015, officiellement pour des désaccords politiques. Il était également fragilisé en interne par son rôle assumé dans l’exfiltration de République dominicaine des deux pilotes français poursuivis dans l’affaire « Air Cocaïne ».