En Centrafrique, un nouveau premier ministre proche de la Russie
En Centrafrique, un nouveau premier ministre proche de la Russie
Par Christophe Châtelot
Ancien directeur de cabinet du président Touadéra, Firmin Ngrebada doit négocier la formation d’un gouvernement « inclusif » avec les principaux groupes rebelles.
Firmin Ngrebada à Khartoum, le 24 janvier 2019, lors du dialogue avec les groupes armés centrafricains. / Firmin Ngrebada/Twitter
Conformément aux engagements pris le 6 février par les autorités de Centrafrique et les principaux groupes rebelles, le président Faustin-Archange Touadéra a nommé, lundi 25 février, un nouveau premier ministre, Firmin Ngrebada. La tâche de ce proche du chef de l’Etat – dont il dirigeait le cabinet présidentiel jusqu’à sa nomination – s’annonce délicate. Il devra sans tarder constituer un gouvernement « inclusif », autrement dit trouver un compromis avec les multiples groupes armés. Ceux-ci entendent en effet mettre la main sur des postes ministériels qui leur permettraient de se refaire une virginité politique après des mois de tueries tout en espérant recycler, selon les portefeuilles, leurs activités illicites.
Firmin Ngrebada ne devrait pas être pris par surprise. C’est lui qui a préparé et conduit la délégation gouvernementale présente aux discussions de paix tenues fin janvier et début février dans la capitale soudanaise, Khartoum. Il a pu, à ce titre, évaluer les exigences des quatorze groupes armés signataires. A titre d’exemple, l’un des principaux mouvements rebelles, le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC, dirigé par Noureddine Adam), a adressé aux autorités, le 21 février, un courrier dans lequel il liste les postes qu’il « revendique dans la formation du nouveau gouvernement ». Une liste qui ne comprend pas moins de sept ministères, dont la sécurité publique, l’enseignement, la santé, les eaux et forêts et l’agriculture.
« Les postes visés ne sont pas choisis au hasard. Ils permettront aux seigneurs de guerre de poursuivre, voire de développer les activités économiques qui les enrichissaient illégalement jusqu’alors. Du trafic de bois et d’armes en passant par l’or et les diamants », s’inquiète un expert.
« Russophile et francophobe »
« Les négociations s’annoncent sportives et on verra plus clair après l’annonce du nouveau gouvernement dans les prochains jours », commente un homme politique centrafricain de premier plan. Dans un communiqué conjoint inédit, les ennemis d’hier – le FPRC et le Mouvement nationale (sic) des patriotes anti-balaka – ont d’ailleurs enjoint, mardi, Firmin Ngrebada « d’engager, sans tarder et sans détours, les discussions avec les représentants des groupes politico-militaires signataires ».
Dans ce jeu qui s’annonce serré, le nouveau premier ministre pourra sans doute compter sur un acteur qui, ces derniers mois, a surgi sur le devant de la scène centrafricaine : la Russie. « Firmin Ngrebada est leur homme », affirme un observateur averti. En tant que directeur de cabinet du président Touadera, cet homme discret a en effet participé à toutes les rencontres importantes de ces derniers mois entre les deux pays. « Il était avec Touadéra lors la rencontre avec Sergueï Lavrov [le ministre russe des affaires étrangères] en octobre 2017 à Sotchi et il a coordonné les livraisons d’armes russes il y a un an. Entre autres choses… », énumère notre interlocuteur.
« Il est russophile et francophobe, précise un responsable centrafricain. Il est l’interface du président avec les Russes et c’est lui qui est à l’origine de tout ce qui a été piloté contre la France ces derniers mois : manifestations, campagne de presse… La Russie ne peut que se satisfaire de cette nomination qui renforce son influence. » Plusieurs centaines d’instructeurs russes ont été déployés dans le pays depuis un an pour participer à la formation des forces armées centrafricaines. D’autres assurent la garde rapprochée du président Touadéra. Parallèlement, des entreprises privées russes – sociétés commerciales ou de sécurité – ont pris pied en Centrafrique, y compris dans les zones sous contrôle des groupes armés rebelles.