Canal+, mardi 26 février à 21 heures, film

Xavier Legrand, qui signe un premier long-métrage hors du commun ­ – récompensé de quatre Césars dont celui du meilleur film –, jette les fondations de Jusqu’à la garde en édifiant avec un luxe infini de détails la plus ordinaire des situations : le règlement d’un divorce entre une femme et un homme. Une heure et demie plus tard, le film aura cheminé le long d’un mystérieux passage du Nord-Ouest, qui mène de la vie de tous les jours jusqu’aux figures les plus terrifiantes, les plus ­profondément ancrées dans nos mémoires et nos imaginations – du quotidien à la tragédie.

Le premier acte de ­Jusqu’à la garde est confiné dans la salle de réunion d’un palais de justice. Il y a là un homme et cinq femmes. L’homme, Antoine Besson (Denis Ménochet), vient d’emménager dans la région pour se rapprocher de ses enfants. C’est ce qu’explique son avocate, qui répond à sa consœur, représentante de Miriam Besson (Léa Drucker). Par sa voix, la mère fait valoir que Julien et Joséphine, le petit garçon et l’adolescente issus de cette union en ruine, ne veulent plus le voir.

Silence tétanisé

La magistrate donne lecture de la déposition de Julien, qui « n’a plus rien à dire » à son père, et la greffière consigne les propos de chacun. Tout est précis, convaincant.

La juge accorde à Antoine le droit de visite dont son fils (sa fille sera bientôt majeure et libre de décider) ne veut pas. Thomas Gioria, qui incarne le petit Julien, oppose une opacité épuisante (tout, dans la façon dont l’enfant est dirigé, montre que la fréquentation de son père le force à puiser dans ses dernières forces) à la masse de ­Denis Ménochet.

Au cours des deux moments que Julien et son père passent ensemble, l’enchaînement des présages de la catastrophe à venir se fait inexorable. Le dernier acte se joue autour de la fête d’anniversaire de Joséphine, une célébration entachée par la présence, à l’extérieur de la salle, de celui dont on ne peut plus ignorer la capacité de destruction. Le malaise du début s’est transformé en l’une des formes de terreur que peut produire le ­cinéma : celle qui fait espérer la déflagration – pour qu’on en finisse – tout en tremblant pour ceux et celles à qui la conduite du récit nous a attachés.

Jusqu'à la garde - Bande annonce
Durée : 01:05

Jusqu’à la garde, film de Xavier Legrand, avec Léa Drucker, Denis Ménochet, Thomas Gioria (Fr., 2018, 95 min). www.mycanal.fr/cinecinema