Les femmes attendent un rassemblement en faveur de la décriminalisation de l’avortement, devant le Congrès de Buenos Aires, en Argentine, le mardi 19 février. / Natacha Pisarenko / AP

La césarienne pratiquée sur une fillette de 11 ans violée par le mari de sa grand-mère a relancé le débat sur l’avortement en Argentine, où l’accès à l’IVG reste très limité. « Je veux que vous m’enleviez ce que le vieux m’a mis dans le ventre », avait réclamé la fillette, dans sa plainte auprès de la justice de la province de Tucuman (nord). La fillette et sa mère avaient alors formulé une demande d’avortement.

Mais la procédure a tardé sept semaines, des médecins invoquant l’objection de conscience. Il est fréquent en Argentine que les autorités fassent traîner les dossiers jusqu’à ce que l’avancement dans la grossesse soit tel qu’il rende impossible un avortement. A 23 semaines de grossesse, les médecins ont jugé que la fillette était en danger et qu’il fallait pratiquer non pas un avortement, mais une césarienne.

« La volonté de l’enfant aurait dû être prise en compte. Il y avait deux raisons pour autoriser l’avortement », a regretté l’avocate de la famille, Cecilia De Bono. La législation argentine prévoit effectivement que la justice peut autoriser une interruption de grossesse dans des circonstances extraordinaires de viol ou de péril pour la mère.

Pays divisé

« Par voie basse, ce n’était pas possible. Son corps n’est pas suffisamment développé pour supporter une grossesse de 23 semaines, et s’il l’avait été, les conditions psychologiques n’étaient pas réunies, du fait des nombreux abus qu’elle a subis », selon la gynécologue, Cecilia Ousset, qui a participé à l’intervention à l’hôpital Eva Peron de Tucuman.

Le fœtus de cinq mois a été extrait vivant du ventre de sa mère, mais ses chances de survie sont quasi nulles, estiment les médecins. « L’Etat est responsable de la torture de Lucia », a dénoncé l’organisation féministe #NiUnaMenos, en pointe dans la mobilisation pour le droit à l’avortement.

Le gouvernement de la province de Tucuman, dont dépend la juridiction qui n’a pas autorisé l’avortement, s’est justifié en disant avoir mis en œuvre « les procédures nécessaires pour sauver les deux vies ». En 2018, un projet de loi octroyant le droit à l’avortement jusqu’à la quatorzième semaine a été adopté à la Chambre des députés, mais rejeté par le Sénat, sous la pression de l’Eglise. Au pays du pape François, la population est divisée sur la question de l’avortement et un débat passionné oppose deux camps fortement mobilisés.