La diplomatie française peine avec la parité
La diplomatie française peine avec la parité
Par Marc Semo
Le ministère des affaires étrangères n’a pas respecté en 2017 les quotas de femmes qu’impose la loi Devaudet.
Le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian (au centre) pose avec les ambassadeurs et ambassadrices réunis pour leur conférence annuelle, le 29 août 2018 à Paris. / THIBAULT CAMUS / AFP
Le montant de la pénalité est lourd : 450 000 euros. Le ministère des affaires étrangères (MAE) n’a pas respecté en 2017 les quotas de femmes en matière de « nouvelles nominations équilibrées pour l’encadrement supérieur et dirigeant dans la fonction publique », tel que l’impose la loi Devaudet du 12 mars 2012.
Il faut 40 % de femmes pour les primo-nominées aux postes d’ambassadeur ou de directeur et, cette année-là, le pourcentage n’était que de 29 %. D’où cette pénalité de 90 000 euros par nomination manquante, cinq au total.
« La politique des quotas est nécessaire pour faire avancer vite les choses et pour l’année 2018, nous sommes dans les clous avec 39 % de femmes dans les primo-nominations », souligne l’un des responsables d’administration du MAE qui se dit prêt « à verser la somme due sur un fond spécifique aidant à la promotion de la parité, mais pas à fond perdu dans le budget de l’Etat ».
Le Quai d’Orsay n’est pas, et de loin, le plus mauvais élève de la loi Devaudet. Il est largement dépassé sur ce terrain par le ministère de l’économie et des finances, qui devra payer 1,71 million d’euros, selon une note du ministère de l’action et des comptes publics dressant le bilan pour 2017 de l’application du texte.
L’infraction remonte à deux ans mais ce très coûteux rappel à l’ordre pour un ministère au budget déjà bien chiche tombe mal. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian doit en effet recevoir le 8 mars le label Afnor de l’égalité professionnelle homme-femme pour le ministère des affaires étrangères, avant d’introduire un colloque sur le sujet dans les grands salons du quai d’Orsay.
Une petite exposition est déjà en place, montrant le chemin parcouru ces dernières décennies. Un planisphère montre l’état des lieux en 2018 avec, en rouge, les pays où la France est actuellement représentée par des ambassadrices. Cette couleur couvre une bonne partie des terres émergées de l’hémisphère Nord puisque des femmes sont en poste aussi bien à Moscou qu’à Kiev, Copenhague (donc avec le Grœnland) et à Ottawa.
L’étendue de l’aplat écarlate ne doit pas faire illusion. La disparités restent encore fortes avec à peine 26 % d’ambassadrices et 24 % de consules. En outre, s’il y a 67 % de femmes dans la catégorie C – postes d’exécution- elles ne constituent que 34 % des effectifs en catégorie A et A+, celles des postes de direction et des ambassadeurs. Le pourcentage des femmes est nettement plus élevé parmi les jeunes diplomates même si nombre d’entre elles hésitent à se lancer dans une carrière plus difficilement conciliable avec la vie familiale.
« C’est trop peu, le vivier est encore trop restreint et cela explique nos difficultés à respecter les quotas dans les premières nominations », explique une haute fonctionnaire du ministère. Gérer les rotations d’ambassadeurs – tous les trois ou quatre ans – est un casse-tête vu la quantité des paramètres à prendre en compte . « Il faut incontestablement promouvoir plus de femmes mais on ne peut aller jusqu’à une rupture de l’égalité ou à la nomination de diplomates qui n’ont pas toute l’expérience requise, qui seraient contestables devant la justice administrative », explique un ambassadeur.
« Postes à moustiques »
La première femme diplomate fut Suzanne Borel, qui passa le concours en 1930. Elle fut accueillie par un très sec : « Vous avez été reçue, maintenant il faudra vous faire admettre. » La première femme ambassadeur – à l’époque le mot ambassadrice désignait seulement la femme de l’ambassadeur – fut nommée seulement en 1972 : Marcelle Campana, à Panama.
« Longtemps les femmes ambassadeurs furent confinées dans des petits pays ou des postes à moustiques, surtout si elles n’avaient pas fait l’ENA », ironise une diplomate. Il faudra attendre 1996 pour qu’une femme soit nommée au Moyen-Orient, à Tripoli (Joëlle Dallant), et même 2011 pour que Sylvie Bermann à Pékin devienne la première ambassadrice dans un pays membre permanent du Conseil de sécurité. Des postes de premier plan comme Washington ou l’ONU à New York n’ont jamais encore été occupés par une femme.