L’arbitre Damir Skomina désigne le point de pénalty lors du match entre le PSG et Manchester United. / JOHN SIBLEY / Action Images via Reuters

L’image est disséquée pendant de longues minutes. Les 48 000 spectateurs du Parc des princes, et les millions de téléspectateurs attendent fébrilement un geste de l’arbitre. Puis la sentence tombe, irrévocable : penalty pour Manchester United. Marcus Rashford le transforme et envoie son équipe en quarts de finale de la Ligue des champions. La VAR (acronyme anglais de video assistant referees) vient de faire basculer le destin européen du PSG vers un abysse sans fond.

Le club parisien devient la première « victime » de l’assistance vidéo à l’arbitrage en Ligue des champions, alors qu’elle n’a été introduite qu’au stade des huitièmes de finale, il y a un mois. Une page de l’histoire du football dont les Parisiens auraient bien fait l’économie.

Si l’élimination du PSG s’explique par des causes multiples - deux grossières erreurs défensives notamment - et autrement plus profondes qu’une décision arbitrale, les circonstances du penalty accordé par le slovène Damir Skomina n’ont pas manqué de relancer le débat sur l’arbitrage vidéo.

Incompréhension

A la 92e minute de ce match qui fleurait bon la tragédie dès le but précoce de Romelo Lukaku, une frappe de Diogo Dalot est contrée par le coude du défenseur parisien Presnel Kimpembe qui s’est retourné en voulant s’opposer au tir du Mancunien. Manchester United mène alors deux à un et un but qualifierait les Anglais pour un quart de finale inespéré de Ligue des champions.

L’arbitre désigne, dans un premier temps, le point de corner. « J’étais étonné en premier lieu que l’arbitre siffle corner, car je n’avais pas vu la déviation de la balle. Nous pensions que si l’arbitre allait consulter l’écran de la VAR, il allait changer son avis », relatera l’entraîneur allemand du PSG Thomas Tuchel après la rencontre.

Damir Skomina - déjà le premier arbitre à avoir refusé un but à l’aide de la VAR en Ligue des champions lors du huitième de finale aller entre l’Ajax Amsterdam et le Real Madrid (1-2) le 13 février - se dirige finalement vers son écran de contrôle et désigne le point de penalty. La perplexité et le désarroi cèdent place à l’incompréhension au coup de sifflet final.

Le plus rapide à réagir a été Neymar, qui aura brillé par son absence pour cause de blessure lors des deux dernières éliminations du PSG en huitièmes de finale de la Ligue des champions (face au Real Madrid en 2018 et Manchester en 2019). La star brésilienne a dénoncé sur son compte Instagram « une honte » et s’est emportée contre ces « quatre mecs qui ne comprennent rien au foot pour regarder un tir au ralenti devant la télé… Il n’y a rien. Comment le mec peut mettre ses mains ailleurs. »

Si l’attaquant brésilien met en cause l’intentionnalité de la main de Kimpembe, qui régit l’octroi ou non d’un penalty, son président et son entraîneur évoquent, eux, la direction de la frappe initiale. C’est dire que la VAR ne résoudra pas tous les débats sur l’arbitrage, et encore moins l’épineuse question de la main dans la surface : « Pour moi, il n’y a pas penalty, Kimpembe tourne la tête. Le ballon ne va pas sur le but », a ainsi pesté Nasser el-Khelaifi dans les couloirs du Parc des princes.

« Je ne comprends pas, c’est si facile de prendre cette décision contre le PSG, c’est plus difficile contre d’autres clubs. », a conclu dans un élan complotiste le président du PSG, sans doute encore traumatisé par les souvenirs de l’élimination face au FC Barcelone en 2017 et d’un arbitrage qu’avaient peu goûté les joueurs parisiens.

« On a besoin de la VAR le plus vite possible »

Thomas Tuchel, sonné par la défaite de son équipe, ne peut s’empêcher de ressasser cette « décision cruelle ». Pour lui aussi, « le tir de Dalot allait bien au-dessus de la barre transversale. Avoir une récompense en tirant une frappe de 25 mètres bien au-dessus, avec un penalty à onze minutes… »

Empêtré dans des émotions contradictoires, l’entraîneur allemand se dit « grand supporteur de la VAR, et [il] le reste ». Mais « siffler un penalty sur une main, c’est très compliqué, ça prête à débat. C’est du 50-50. » Toutes ces contradictions qui fleurissent depuis l’introduction de la VAR dans les grandes compétitions internationales.

L’arbitrage vidéo avait été la grande nouveauté de la Coupe du monde en Russie, en 2018. Après une phase de poules durant laquelle son rythme d’intervention avait été critiqué, elle s’était faite de plus en plus discrète au fil de la compétition, mais pas moins active. 29 penaltys avaient été sifflés durant la compétition - dont celui transformé par Griezmann en finale face à la Croatie - un record.

Alors que l’UEFA avait décidé de l’utilisation de la VAR lors de la prochaine édition de la Ligue des champions, elle avait finalement précipité son entrée en vigueur dès les huitièmes de finale de la Ligue des champions. « Si nous pouvons le faire avant, pourquoi pas ? », avait ainsi déclaré le patron de l’UEFA, Aleksander Ceferin, cédant sous la pression de puissants acteurs du monde du football comme Andrea Agnelli (président de la Juventus Turin), Karl-Heinz Rummenigge (président du directoire du Bayern Munich) ou même l’entraîneur de Manchester City, Pep Guardiola.

Ironie de l’histoire, Nasser el Khelaifi avait également lancé un appel en faveur de l’introduction anticipée de l’arbitrage vidéo après un penalty non-sifflé pour le PSG lors du match de poule face à Naples, le 7 novembre 2018 : « On a besoin de la VAR le plus vite possible. » Il a été exaucé.

Coupe du Monde 2018 : la VAR est-elle efficace ?
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