Penalty, pas penalty ? Quatre arguments pour débattre de la main de Kimpembe
Penalty, pas penalty ? Quatre arguments pour débattre de la main de Kimpembe
Par Simon Auffret
La large place laissée à l’interprétation de l’arbitre sur les fautes de main soulève des critiques à chaque décision sensible, comme le penalty sifflé à l’encontre du défenseur du PSG face à Manchester United.
Presnel Kimpembe, au centre, touche le ballon du bras droit lors du huitième de finale de la Ligue des champions, à Paris, le 6 mars 2019. / FRANCK FIFE / AFP
Un penalty accordé à la 90e minute d’un match retour d’une phase finale de la Ligue des champions, sur une action litigieuse et à l’aide de l’assistance vidéo… la controverse était inévitable. Le coup de sifflet de l’arbitre slovène Damir Skomina, bras tendu vers le point de penalty à la fin du huitième de finale opposant le Paris-Saint-Germain à Manchester United, mercredi 6 janvier, a rouvert l’interminable débat sur les règles du football, qui laissent une large place à l’interprétation des arbitres sur les fautes de main.
En touchant du bras, de dos, le ballon sur une frappe lointaine du mancunien Diogo Dalot, le défenseur du PSG Presnel Kimpembe a permis aux Anglais d’éliminer le club de la capitale (3-1) après la transformation du penalty par Marcus Rashford. Certains supporters parisiens ont aussitôt trouvé un exutoire naturel à leur frustration : pourrait-il s’agir d’une faute d’arbitrage ? Selon les règles, aucunement, mais l’interprétation de la situation par Damir Skomina peut néanmoins être débattue. Quatre points de règlement pour mieux la comprendre.
La main est-elle volontaire ?
C’est le cœur du jugement des fautes de main, selon les règles du football : « Il y a “main” lorsqu’il y a contact délibéré entre le ballon et la main ou le bras. » Le rôle de l’arbitre est donc d’estimer si le geste est volontaire, ou non : si c’est le cas, la faute est commise. Si non, le jeu suit son cours. Pour le déterminer, trois points doivent être pris en compte, toujours selon les règles officielles. Les voici :
• le mouvement de la main en direction du ballon (et non du ballon en direction de la main) ;
• la distance entre l’adversaire et le ballon (estimation de l’effet de surprise) ;
• la position de la main n’entraîne pas nécessairement une faute.
Dans la situation du match de mercredi soir, le premier point joue en faveur de Presnel Kimpembe, qui est dos au jeu au moment d’être touché au bras par la frappe du défenseur de Manchester United, et donc bien loin de diriger sa main directement vers le ballon. L’effet de surprise est lui moins évident à estimer : il semble bien, au vu des images, que le Parisien saute en l’air pour tenter de contrer la frappe mancunienne vers le but de Gianluigi Buffon, et qu’il n’a donc pas été surpris par sa trajectoire.
C’est justement la question de l’intentionnalité de la faute qui donne raison à Damir Skomina… et qui a soulevé toutes les critiques, dès la fin de la rencontre. La décision étant laissée à son interprétation, l’arbitre est dans son droit de juger le positionnement et le geste de Presnel Kimpembe comme étant intentionnels – ou tout du moins d’estimer que le joueur aurait pu éviter le ballon.
Mais une partie du public a pu considérer, à la vue des images, que le bras du défenseur s’était naturellement décollé de son corps sous l’impulsion de son saut et avait fortuitement rencontré la trajectoire du ballon, ce qui ne justifierait pas nécessairement un penalty.
Le bras était détaché du corps
Sans être inscrit dans les règles, « l’augmentation de la surface d’exposition » du corps face au ballon est un élément pris en compte par l’arbitre pour juger ou non d’une faute de main. Si le bras est positionné de manière à laisser moins de place au ballon de passer, le geste est répréhensible. Mais le seul fait que le bras soit détaché du corps ne suffit pas à le confirmer : l’ensemble des critères mentionnés dans les règles doit être pris en compte.
La frappe était-elle cadrée ?
Face à la difficulté insurmontable d’estimer, même grâce à l’assistance vidéo, le fait qu’une frappe soit cadrée ou non au moment d’être déviée ou contrée, ce paramètre n’apparaît absolument pas dans les règles de jeu. Un penalty peut donc être sifflé en cas de main sur une balle tirée dans une direction opposée au but, si elle est commise à l’intérieur de la surface de réparation.
La décision de penalty était-elle trop sévère ?
Le défenseur du PSG Presnel Kimpembe après le coup de sifflet final du match face à Manchester. / CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS
Les enjeux sportifs importants de cette décision auraient-ils pu encourager l’arbitre, face à la difficulté de caractériser la faute de manière certaine, à ne rien siffler du tout, et à laisser le jeu se poursuivre ? Selon les règles, oui – même si les critiques auraient alors été tout aussi nombreuses du côté de Manchester United.
L’absence de sanction prise à l’encontre de Presnel Kimpembe (qui n’a pas été averti d’un carton pour cette action) montre aussi que Damir Skomina a jugé que le défenseur n’avait pas eu de comportement antisportif. L’alternative du coup franc indirecte ne pouvant être utilisée en cas de faute de main, le penalty est devenu la seule solution pour sanctionner le geste du joueur parisien, selon l’interprétation que l’arbitre avait fait de l’action.
Le débat sur l’intentionnalité de la faute a été tranché sur un point, au début du mois de mars, par l’International football association board (IFAB), chargée de l’évolution des règles du football : son conseil a décidé que, dès la saison 2019-2020, tout but marqué après que le ballon a été touché par une main, même de manière involontaire (en étant par exemple dévié par un défenseur), serait automatiquement annulé. Un changement qui ne laissera dans cette situation particulière plus de marge de manœuvre, ni à l’arbitre ni à la controverse.