Le président colombien Ivan Duque a demandé, jeudi 7 mars, à la Cour constitutionnelle de modifier sa décision de 2015 sur la suspension des pulvérisations aériennes de glyphosate, face à la hausse record des narco-plantations dans le pays.

« Ma respectueuse requête est que la décision soit modulée (…) qu’elle tienne compte du fait que cette expansion des plantations porte un énorme préjudice à l’ordre constitutionnel, à l’ordre légal, à l’environnement, à la sécurité territoriale et à la protection des droits fondamentaux. »

M. Duque était entendu par les magistrats de la Cour Constitutionnelle, qui avait convoqué une audience publique de suivi de sa décision d’octobre 2015 ordonnant la suspension des pulvérisations aériennes du désherbant, soupçonné d’effets toxiques sur la santé et l’environnement.

Une stratégie « inefficace »

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé le glyphosate comme « cancérigène probable », en 2015. Mais il continue d’être utilisé en Colombie pour lutter notamment contre les plantations de coca, matière première de la cocaïne.

Depuis la suspension des pulvérisations aériennes cette même année, le pays tente d’éradiquer les narco-cultures par l’arrachage et la fumigation manuelle. Selon des experts, les pulvérisations par avion ont plus d’impact sur les êtres vivants et la nature.

« On ne peut limiter (…) l’usage des outils face à ce phénomène, face à cette menace qui peut affecter la capacité de l’Etat à protéger l’intégrité nationale et les droits de nombreux Colombiens », a ajouté le président de droite, en fonction depuis août 2018.

La position du gouvernement a été contestée par plusieurs experts, ainsi que par les anciens présidents César Gaviria (1990-1994) et Juan Manuel Santos (2010-2018).

« Ce serait une erreur de reprendre les pulvérisations de glyphosate, pas seulement en raison des risques pour la santé et l’environnement (…) mais parce que c’est une stratégie qui a démontré son inefficacité », a ainsi fait valoir M. Santos.

171 000 hectares en 2017

Entre 2005 et 2014, 1,2 million d’hectares ont été fumigés et la superficie cultivée s’est réduite de seulement 14 000 hectares, selon une étude de l’économiste Mauricio Cabrera. Après quatre décennies de lutte antidrogue, la Colombie reste le premier producteur de cocaïne de la planète, comptant la plus importante superficie de cultures de coca.

Les Etats-Unis, premier consommateur mondial de cette drogue, ont accru la pression sur le gouvernement colombien face à l’expansion des plantations ces dernières années, qu’Ivan Duque attribue à la suspension des pulvérisations aériennes de glyphosate.

En 2017, la superficie de ces cultures est passée à 171 000 hectares contre 48 000 en 2012, selon l’Organisation des Nations unies.

Le précédent gouvernement du président Santos et des experts y voient trois causes : la dévaluation du peso colombien face au dollar, monnaie avec laquelle se paie la cocaïne, la chute des cours de l’or qui a amené les habitants des campagnes à préférer la culture de la coca aux mines clandestines, ainsi que l’espoir suscité par le programme de substitution des narco-plantations prévu par l’accord de paix de 2016 avec l’ex-guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Les anciens rebelles, qui ont admis s’être financés avec des fonds issus de la drogue, se sont engagés à contribuer à la lutte contre les stupéfiants.