La Cour des comptes s’invite dans le débat sur l’assurance-chômage
La Cour des comptes s’invite dans le débat sur l’assurance-chômage
Par Bertrand Bissuel
Dans une communication rendue publique mercredi, la haute juridiction préconise de revoir les règles d’indemnisation pour les personnes qui sont inscrites à Pôle emploi et exercent par ailleurs une activité.
En plein débat sur la réforme de l’assurance-chômage, la Cour des comptes apporte une contribution qui va faire du bruit. Celle-ci se présente sous la forme d’une communication – un « référé », dans le jargon de la haute juridiction –, rendue publique mercredi 13 mars. Adressée au premier ministre, Edouard Philippe, elle formule des recommandations qui convergent avec les objectifs du gouvernement : il s’agit, en particulier, d’« assurer une meilleure équité de traitement » entre bénéficiaires d’une allocation et de réduire « l’enchaînement de contrats de très courte durée ». Pour atteindre ces deux objectifs, des solutions sont esquissées, qui risquent fort de braquer les syndicats.
Dans leur enquête, les magistrats de la rue Cambon se sont attardés sur deux points importants du régime d’indemnisation des chômeurs. Primo : le système dit de « l’activité réduite », qui permet à une personne d’être inscrite à Pôle emploi, tout en ayant un poste, et de cumuler (sous certaines conditions) un salaire avec une allocation. L’autre dispositif passé au crible par la Cour s’appelle les « droits rechargeables » : il donne la possibilité, à un demandeur d’emploi, de reconstituer son capital de droits à indemnisation, chaque fois qu’il retravaille. Le but de ces deux règles, comme le rappelle le référé, est de « sécuriser les parcours » de personnes en situation précaire et de faire en sorte que celles-ci aient toujours intérêt « à reprendre un emploi ».
Des effets pervers
Toutefois, déplore la Cour, de telles dispositions produisent parfois des effets pervers. Exemple : le salarié, qui occupe plusieurs emplois simultanément et qui en perd au moins un, peut percevoir l’intégralité de l’allocation « correspondant à l’emploi perdu » avec la rémunération issue des activités qu’il a conservées. Ce cas de figure est susceptible « de donner lieu à des abus », notamment parce que le montant de l’indemnisation reste inchangé même si les revenus tirés des activités exercées progressent de leur côté.
Autre critique de la Cour des comptes : les modalités d’indemnisation sont « complexes » et « trop favorables » aux individus signataires d’un contrat de moins d’un mois. Elles offrent la faculté de cumuler un salaire et une prestation de l’assurance-chômage « sans limite de durée » – ce qui tend, du même coup, à enfermer la personne dans la précarité. En outre, l’allocation est basée sur un paramètre – le salaire journalier de référence – qui peut s’avérer plus avantageux pour ceux travaillant de façon fractionnée par rapport à d’autres, employés d’une manière continue.
Pour autant, nuance la haute juridiction, les chômeurs ont une « connaissance limitée » de tous ces mécanismes et ceux qui en tirent partie, par le biais « de stratégies d’optimisation », constituent « une minorité ». Reste que le régime obéit à des principes touffus, encore plus difficiles à déchiffrer depuis l’introduction, en 2014, des droits rechargeables. Ils sont source d’« inefficience » et d’« incompréhension pour les allocataires ». Dès lors, il convient d’« harmoniser » la réglementation applicable aux chômeurs en activité réduite, ce qui est de nature à remettre en cause le niveau de la prestation octroyée à des salariés mal payés (les assistantes maternelles, en particulier).
Accompagnement « distant », voire « inexistant »
Les magistrats de la rue Cambon adressent par ailleurs des remontrances à Pôle emploi, qui propose un accompagnement « distant », voire « inexistant », pour les personnes en activité réduite. Son « offre de services (…) demeure inadaptée », regrette la Cour. De telles lacunes devront être corrigées, dans la convention que l’opérateur public est en train de négocier avec l’État et les partenaires sociaux.
Enfin, il existe une multitude de données sur les « trajectoires professionnelles » des chômeurs : fichiers de Pôle emploi, déclaration préalable à l’embauche, déclaration sociale nominative… Mais toutes ces informations ne sont pas suffisamment rapprochées et croisées, ce « qui limite la capacité d’évaluation ». Il convient de les échanger de façon « plus large et plus systématique », afin d’analyser les transformations du marché du travail et l’impact des « politiques d’indemnisation ».
Autant de préconisations qui tombent à point nommé pour l’exécutif : elles vont dans le sens des changements qu’il entend dicter à l’assurance-chômage, après l’échec des négociations entre le patronat et les syndicats, sur ce dossier, en février. Une concertation a été engagée, il y a deux semaines, avec de multiples acteurs (parlementaires, associations, clubs d’entrepreneurs, partenaires sociaux…). Elle débouchera sur des mesures qui devraient être dévoilées durant le printemps pour une mise en œuvre d’ici à l’été prochain.