La justice autrichienne casse un jugement condamnant une victime de cyber-harcèlement
La justice autrichienne casse un jugement condamnant une victime de cyber-harcèlement
Par Blaise Gauquelin (Vienne, correspondant)
Une élue écologiste avait été condamnée pour avoir révélé sur Internet l’identité de l’un de ses agresseurs.
C’est une affaire suivie dans le monde entier, car elle pourrait faire date. Mercredi 13 mars, la justice autrichienne a annulé la condamnation d’une élue écologiste qui avait révélé sur Internet l’identité de son agresseur.
En octobre, Sigrid Maurer avait été reconnue coupable d’avoir porté atteinte aux intérêts d’un commerçant en postant, cinq mois plus tôt sur Facebook et sur Twitter, le nom du monsieur et le texte ordurier qu’il lui avait envoyé par le biais de Messenger, et ce sans vérifier qu’il était bien personnellement à l’origine de la missive.
Ce dernier, vendeur de bière, affirmait qu’il laissait son ordinateur à la disposition de ses clients et niait être à l’origine des messages à caractère sexuel. Les accusations publiques portées contre lui auraient causé un préjudice moral et financier. Le tribunal avait considéré que Mme Maurer aurait dû entrer en contact avec lui afin de vérifier son identité.
Ce jugement avait indigné les défenseurs des droits des femmes et posait de nombreuses questions quant à la responsabilité des internautes dans la gestion de leur compte personnel sur les réseaux sociaux. L’ancienne députée avait fait appel et la Cour de Vienne vient d’estimer qu’elle n’a pas fait l’objet d’une procédure équitable.
Un nouveau procès est ordonné. « Le plaignant n’a pas pu prouver qu’une autre personne avait pu rédiger et envoyer les messages à sa place dans un laps de temps aussi court », estime le juge, qui considère que ses explications sont « peu plausibles » et que les précautions réclamées à Mme Maurer en première instance « placent la barre trop haut ».
« Il y avait une inversion des rôles »
« Je suis extrêmement heureuse », a réagi Sigrid Maurer, interrogée par l’agence de presse autrichienne APA, qui voulait dénoncer l’absence de recours judiciaires possibles pour les victimes de harcèlement en ligne, en rendant publics les messages qu’elle recevait en temps qu’élue. De nombreux responsables politiques ont également fait part de leur satisfaction, car ils avaient estimé qu’en condamnant Mme Maurer la justice proposait l’impunité aux harceleurs et le bâillon à leurs victimes.
« Il y avait une inversion des rôles dans cette histoire », a, par exemple, estimé Selma Yildirim, une députée sociale-démocrate (SPÖ).
« Les femmes sont encore trop souvent confrontées à des humiliations, au sexisme et à l’abus de pouvoir. Elles ne doivent pas se taire et tout subir ! Réagir et s’indigner, c’est important et c’est la seule chose à faire ! »
L’Autriche n’est pas épargnée par les scandales de harcèlement sexuel et plusieurs affaires ont fait couler beaucoup d’encre depuis 2017 dans le pays alpin. Le rédacteur en chef d’un quotidien a été licencié pour avoir envoyé un message inapproprié à une jeune femme. Plusieurs skieuses professionnelles ont témoigné d’abus institutionnalisés et le directeur d’un festival culturel a fait l’objet d’accusations de la part d’artistes engagées dans sa programmation.