Mondial de football : une étude de la FIFA recommande un passage à 48 équipes dès 2022
Mondial de football : une étude de la FIFA recommande un passage à 48 équipes dès 2022
Par Rémi Dupré
Vendredi, le conseil de la FIFA doit se pencher sur une étude de faisabilité portant sur un élargissement du tournoi dès la prochaine édition. Ce qui imposerait au pays hôte, le Qatar, d’en partager l’accueil avec au moins l’un de ses voisins.
Gianni Infantino, le 27 février, à Rome. / Gregorio Borgia / AP
Depuis son élection à la présidence de la Fédération internationale de football (FIFA), en février 2016, Gianni Infantino est sur tous les fronts. Introduction de l’assistance à l’arbitrage vidéo (VAR), création d’un nouveau Mondial des clubs en 2021, refonte du marché des transferts. Unique candidat à sa succession en juin, lors du congrès de Paris, le dirigeant a désormais en tête d’avancer de quatre ans la mise en place de l’une de ses réformes phares : l’extension du format de la Coupe du monde de 32 à 48 équipes.
Voté en 2017, cet élargissement était censé s’appliquer à partir de l’édition 2026, attribuée aux Etats-Unis, au Mexique et au Canada. Or, les 37 membres élus du conseil (gouvernement) de la FIFA doivent se pencher, à Miami, vendredi 15 mars, sur une « étude de faisabilité » relative à une possible extension du tournoi dès l’édition 2022, dont l’attribution au Qatar suscite la controverse depuis plus de huit ans.
Réalisé par les équipes techniques de l’administration de la FIFA, ce document de 81 pages a été éventé par l’agence Associated Press, lundi. L’étude conclut qu’un tel élargissement est possible avec l’aide d’au moins l’un des voisins de l’émirat gazier et anticipe des revenus additionnels compris entre 300 à 400 millions de dollars (dont 120 millions en droits télévisés).
« La levée du blocus » imposé au Qatar sera nécessaire, selon la FIFA
Pour organiser 80 matchs, au lieu des 64 initialement programmés, la FIFA table sur un partage de la compétition avec d’autres pays limitrophes du Qatar, parmi lesquels figurent le Bahreïn, le Koweït, l’Arabie Saoudite, Oman et les Emirats Arabes Unis. Selon la Fédération internationale, « toute décision d’inclure de potentiels pays hôtes nécessite l’accord du Qatar. »
L’étude soulève à ce propos la situation géopolitique de l’émirat gazier, isolé en raison du boycott diplomatique et économique que lui imposent, depuis 2017, Bahreïn, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis. « L’implication de ces pays dans l’organisation du tournoi conjointement avec le Qatar, le principal pays hôte, implique la levée de ce blocus, en particulier la levée des restrictions sur les mouvements de personnes et de biens », indique la FIFA.
Plusieurs sources s’accordent à penser qu’Oman et le Koweït sont favoris pour se voir attribuer des matchs, en vertu de leur neutralité dans la crise actuelle. Mais seuls les Emirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite- qui exerce de plus en plus son influence dans le monde du football depuis que M. Infantino s’est appuyé sur le royaume pour son projet de réforme de la Coupe du monde des clubs - et le Koweït possèdent des stades dotés d’au moins 40 000 sièges. La jauge requise pour accueillir de telles rencontres.
La FIFA considère par ailleurs que l’ajout de seize matchs ne modifiera pas le calendrier du tournoi, censé être organisé sur 28 jours (du 21 novembre au 18 décembre 2022) et, exceptionnellement, en hiver, en raison des fortes chaleurs ressenties dans l’émirat en été. L’étude évoque simplement des « ajustements » concernant le nombre de matches planifiés chaque jour.
Vote en juin, à Paris
Alors que l’image du Qatar pâtit des soupçons de corruption qui s’accumulent depuis le vote d’attribution controversé de décembre 2010, et des déconvenues du Paris-Saint-Germain en Ligue des champions, tous les regards sont tournés vers Gianni Infantino. Lequel déclarait, en février, être « optimiste » quant à l’élargissement du Mondial dès l’édition 2022.
A Miami, le président de la FIFA espère que son conseil ratifiera cette étude de faisabilité afin de soumettre cette extension du Mondial au vote des 211 fédérations nationales membres du congrès de la Fédération internationale, le 5 juin, à Paris. Quitte à froisser les dirigeants de l’Union des associations européennes de football (UEFA), dont la plupart pourraient être hostiles au passage à 48 équipes dès 2022 ?
« Sur le principe, je ne pense pas que cela soit faisable, glissait au Monde, en février, le Slovène Aleksander Ceferin, président de l’UEFA. Je n’ai pas d’opinion particulièrement claire mais je pense que le Qatar ne peut pas organiser seul le Mondial. Si vous partagez le Mondial avec d’autres pays voisins, ces derniers n’ont pas de bonnes relations diplomatiques avec le Qatar, que je sache. »
« Une décision politique et non sportive »
La question de l’élargissement du Mondial va-t-elle susciter des frictions entre les élus européens du conseil et Gianni Infantino ? « Je ne souhaite pas spéculer », avance un membre du gouvernement de la FIFA.
Déjà tourné vers sa réélection, le patron du football mondial sait l’intérêt politique qu’il peut tirer d’une telle réforme. Lui qui s’enorgueillit des bons résultats financiers (6,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour le cycle 2015-2018) de l’instance planétaire.
« Gianni Infantino s’assure ainsi le soutien des confédérations qui obtiennent plus de places au Mondial et donc plus de revenus, et du monde arabe qui enlève ce rêve au Qatar d’organiser, seul, cette première Coupe du monde dans cette région », estime un ex-dirigeant de la FIFA. « Ce que contient l’étude de faisabilité est ce qu’Infantino voulait qu’il y ait, résume une source européenne. Cette étude est une œuvre de commande. »
Pour un ancien cadre de la FIFA, « le Qatar a toujours refusé cette idée » de partager le Mondial. « Ils vont devoir avaler certaines couleuvres et Gianni, qui a pris cette décision politique et non sportive, les met devant un mur, estime cette source. Tout cela doit avoir un goût amer. Le Qatar n’aime pas faire de vagues donc il avalera. »
Pour un observateur avisé des affaires de la FIFA, ce partage contraint et forcé permettrait toutefois « aux Qataris de se faire des alliés dans la région » et d’avoir le beau rôle au nez « des Saoudiens et des Emiratis. »
Cette étude de faisabilité renvoie par ailleurs aux motivations de l’ex-président de l’UEFA (2007-2015), Michel Platini, dont la suspension prendra fin en octobre 2019. Lequel avait reconnu avoir voté pour le Qatar, en décembre 2010. « Je ne regrette pas du tout d’avoir voté pour le Qatar, au contraire, confiait-il au Monde, en 2017. C’était un continent nouveau. Je souhaitais que la Coupe du monde n’ait pas lieu qu’au Qatar mais aussi aux Emirats, à Oman. Que ce soit le Mondial du Golfe. » Ce Mondial du Golfe pourrait bel et bien avoir lieu.