Cyclisme : un géant de la pétrochimie à la rescousse du Team Sky ?
Cyclisme : un géant de la pétrochimie à la rescousse du Team Sky ?
Par Clément Guillou
Le groupe Ineos, détenu par le richissime brexiter Jim Ratcliffe, devrait succéder l’année prochaine au groupe Sky comme sponsor de la meilleure équipe cycliste du monde, selon la presse spécialisée.
Les coureurs de l’équipe Sky sur Paris-Nice, dont ils occupent les deux premières places. / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
Le groupe Ineos, spécialisé dans l’industrie pétrolière, va succéder au réseau de télévision Sky comme sponsor de la meilleure équipe cycliste du monde, selon les sites spécialisés anglo-saxons Cycling Weekly, Cyclingnews et Cycling Podcast.
Contactée, l’équipe Sky n’a pas fait de commentaire. Le nom de domaine du site internet « Team Ineos » a été déposé le 5 mars, trois jours après que cette piste a été pour la première fois évoquée par le Sunday Times.
Sept mois après avoir promu la sauvegarde des océans sur le Tour de France dans le cadre de la campagne « Sky Ocean Rescue », l’annonce d’une reprise de l’équipe par ce fabricant de produits chimiques et de matières plastiques aurait quelque chose d’ironique. A l’automne dernier, Greenpeace et les Amis de la Terre ont protesté contre l’annonce de la mise à l’eau d’un bateau Ineos sur la prochaine Coupe de l’America 2021, arguant que l’entreprise, également spécialisée dans la fracturation hydraulique, « détruisait l’environnement ».
C’est une préoccupation que n’auront sans doute pas les 29 coureurs du Team Sky, dont le futur est incertain depuis que le groupe de télévision, sponsor et propriétaire de l’équipe depuis sa création en 2009, a annoncé son retrait à la fin de la saison.
L’homme le plus riche de Grande-Bretagne
Le mois dernier, la presse colombienne avait évoqué une piste locale pour succéder à la formation britannique, dont la vedette Christopher Froome et son successeur désigné, Egan Bernal, avaient préparé la saison sur les routes sud-américaines. Le patron de l’équipe, le controversé Dave Brailsford, avait d’ailleurs rencontré le président colombien Ivan Duque Marquez. Là encore, Brailsford ne manquant pas d’idées, c’est la piste du pétrole qui avait été évoquée pour succéder à Sky : la compagnie nationale Ecopetrol était citée comme un possible repreneur.
La piste avait été écartée ensuite par un directeur sportif un peu bavard de l’équipe Sky, l’Italien Matteo Tosatto, qui disait il y a deux semaines à Marca qu’un repreneur avait été trouvé, et qu’il serait « européen, de la maison ».
Depuis l’annonce du départ de la Sky, les dirigeants de l’équipe se sont toujours montrés confiants sur leur capacité à capitaliser sur ses six victoires dans le Tour de France – en sept ans –, et espéraient être en mesure d’annoncer un repreneur au mois de mai. Ce devrait donc être le cas grâce au milliardaire Jim Ratcliffe.
Jim Ratcliffe, à Londres, en avril 2018. / Toby Melville / REUTERS
Considéré comme l’homme le plus riche de Grande-Bretagne, avec une fortune estimée à 21 milliards de livres (23,5 milliards d’euros) selon le Sunday Times, il n’aurait aucun mal, via Ineos ou l’une de ses succursales, à aligner les 30 millions d’euros nécessaires au train de vie de la Sky.
Ce farouche partisan du Brexit avait suscité l’indignation dans son pays l’été dernier en s’exilant dans la Principauté monégasque, à l’abri du fisc britannique après avoir fait campagne en faveur de la sortie de l’Union européenne. A Monaco, il peut croiser ses deux possibles futurs employés, Geraint Thomas et Christopher Froome, qui seront les leaders de la Sky sur le prochain Tour de France.
D’autres investissements dans le sport
L’homme a toujours bataillé contre les impôts, et c’est pour une plus grande « liberté législative et bureaucratique » qu’il a fait campagne pour le Brexit, explique-t-il dans sa récente autobiographie (The Alchemists, the Ineos Story, de Jim Ratcliffe et Ursula Heath, éditions Biteback Publishing, 2018, non traduit).
En 2008, alors que son empire pétrochimique était en sérieuses difficultés, croulant sous les dettes, il n’avait pas hésité à menacer le premier ministre d’alors, Gordon Brown, de déménager son entreprise en Suisse si ce dernier ne lui accordait pas un moratoire de six mois sur sa TVA. Mais le gouvernement britannique était lui-même aux abois financièrement à cette époque, et Ineos, alors presque inconnu du grand public, avait essuyé un refus sans appel. Furieux, Jim Ratcliffe avait mis son projet à exécution, déplaçant le siège à Rolle, entre Genève et Lausanne.
L’homme d’affaires, à l’esprit ultra-compétitif, est un passionné de sport. Il participe à de longues courses à pied dans le désert et fait régulièrement du vélo malgré ses 66 ans. Outre les 110 millions de livres (130 millions d’euros) investis pour la prochaine Coupe de l’America, il a racheté le club de football de Lausanne en 2017. On lui prêtait l’an dernier l’intention d’acquérir le club londonien de Chelsea, propriété de l’oligarque russe Roman Abramovitch.
Le cyclisme est un divertissement moins coûteux. Et pour Jim Ratcliffe, la mauvaise réputation qui colle aux basques de l’équipe Sky serait sans conséquence : en 20 ans de carrière dans la pétrochimie et de révoltes syndicales écrasées d’une main de fer, l’enfant du Lancashire ne s’est jamais soucié des commentateurs.