L’impatience monte chez les familles des victimes, qui souhaitent récupérer les corps et organiser les funérailles. / JORGE SILVA / REUTERS

Les Néo-Zélandais ont commencé à rendre hommage, dimanche 17 mars, aux 50 fidèles tués vendredi dans les attaques terroristes contre deux mosquées de Christchurch. Le voile se lève progressivement sur le déroulement du carnage, qui a été également marqué par des actes héroïques.

  • Le manifeste a été envoyé au gouvernement

La première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, a annoncé dimanche que son cabinet avait reçu vendredi, neuf minutes avant le début de l’attaque, le « manifeste » de Brenton Tarrant, l’extrémiste australien accusé du carnage. « Il n’incluait aucun lieu ni aucun détail spécifique », a-t-elle déclaré à la presse, en précisant que ce document avait été transmis aux services de sécurité moins de deux minutes après sa réception.

Le « manifeste » est intitulé « Le grand remplacement », en référence à une théorie complotiste populaire dans les milieux d’extrême droite selon laquelle les « peuples européens » seraient « remplacés » par des populations non-européennes immigrées.

Le texte détaille deux années de radicalisation et de préparatifs. L’auteur affirme que les facteurs déterminants ont été la défaite à la présidentielle française de 2017 de Marine Le Pen et la mort de la petite Ebba Åkerlund à 11 ans dans l’attaque au camion-bélier de 2017 à Stockholm.

Il dit avoir choisi pour cible la Nouvelle-Zélande pour montrer « qu’aucun endroit au monde n’est épargné, les envahisseurs sont partout sur nos terres, aucune place même la plus reculée n’est sûre ». Il y rend aussi hommage au président américain Donald Trump.

  • Des victimes âgées de 3 à 77 ans

Les fidèles tués lors de l’attaque étaient âgés de trois à 77 ans, selon une liste non définitive des victimes établie par les familles. Cette liste, qui recense 48 des 50 personnes assassinées par l’extrémiste australien Brenton Tarrant, donne une idée de la variété des nationalités des victimes. Ce document cite les noms de 44 hommes et de quatre femmes.

Une liste établie par les familles recense 48 des 50 personnes abattues. Ce document cite les noms de 44 hommes et de quatre femmes. / Mick Tsikas / AP

Jacinda Ardern a précisé dimanche que cette liste n’était pas « officielle » et ne le serait « pas avant que l’identification formelle ne soit terminée ». « Je sais que la réception de cette liste provisoire hier soir a certainement été bouleversante », a-t-elle dit. Les victimes venaient des quatre coins du monde musulman, a-t-elle souligné. Quatre Egyptiens, un Saoudien, un Indonésien, quatre Jordaniens et six Pakistanais figurent notamment parmi les victimes.

L’impatience monte cependant chez les familles des victimes, qui souhaitent récupérer les corps et organiser les funérailles. Mme Ardern s’est efforcée dimanche d’apaiser leur frustration. « Je suis en mesure de confirmer que les corps des personnes décédées vont commencer à être restitués à leurs familles ce soir », a-t-elle dit. D’après elle, toutes les dépouilles auront été rendues mercredi.

Les autorités ont indiqué que 34 blessés demeuraient hospitalisés. Parmi eux, la petite Alin Alsati, quatre ans, qui est entre la vie et la mort. La fillette se trouvait avec son père dans la mosquée Al-Nour pour la prière du vendredi quand elle a été touchée par au moins trois balles. Son père, qui a également été blessé, avait récemment émigré en Nouvelle-Zélande en provenance de la Jordanie.

  • Actes d’héroïsme

Les Néo-Zélandais continuent de prendre connaissance des détails du carnage d’où émergent également les récits d’actes héroïques. Le site d’information Stuff.co.nz a ainsi publié les propos d’Abdul Aziz, originaire d’Afghanistan, qualifié de « héros » pour avoir risqué sa vie afin de faire fuir le tireur.

Agé de 48 ans, ce fidèle raconte être sorti de la mosquée située à Linwood en laissant ses garçons à l’intérieur, après avoir entendu des tirs. Un témoin a confirmé qu’il avait poursuivi le tueur qui se dirigeait vers sa voiture pour se saisir d’une nouvelle arme.

Le site d’information Stuff.co.nz publiait les propos d’Abdul Aziz, originaire d’Afghanistan, qualifié de « héros » pour avoir risqué sa vie afin de faire fuir le tireur. / EDGAR SU / REUTERS

Abdul Aziz est parvenu à se faufiler entre les voitures garées et à se saisir d’une arme vide laissée derrière lui par le tireur. Abdul Aziz a expliqué l’avoir lancée « comme une flèche » sur la voiture du tueur, brisant une ses vitres. « C’est la raison pour laquelle il a pris peur », a déclaré Abdul Aziz, en indiquant que le tireur australien avait ensuite pris la fuite en voiture. Un acte qui aura peut-être permis d’éviter un bilan encore plus lourd, car le tueur fut arrêté peu de temps après par deux policiers.

Daoud Nabi, un Afghan de 71 ans, aurait pour sa part couru au-devant du tueur et serait ainsi mort en protégeant d’autres fidèles dans la mosquée Al-Nour. « Il a sauté dans la ligne de feu pour sauver quelqu’un d’autre et c’est ainsi qu’il est mort », a déclaré son fils Omar.

  • Elan de solidarité

Dans tout le pays, un élan de solidarité interconfessionnelle a été observé, avec des millions de dollars de dons, des achats de nourriture halal pour les victimes. « Nous nous tenons au côté de nos frères et sœurs musulmans », peut-on lire sur une grande banderole près d’un des sites où s’entassent des fleurs, dans un mémorial improvisé.

Des fidèles de l’Eglise anglicane de Christchurch ont prié dimanche dans ce qui est surnommé leur « cathédrale en carton », bâtie après le terrible séisme de 2011. « Lors des tremblements de terre, nous avons appris que dans les temps d’épreuves, il était bon de se retrouver les uns les autres. Il est temps de le faire à nouveau », a dit à ses ouailles le doyen Lawrence Kimberley. « Nous nous tenons solidaires de la communauté musulmane. »

  • Les réseaux sociaux mis en cause

Jacinda Ardern a indiqué dimanche qu’elle attendait des explications de Facebook et d’autres réseaux sociaux sur la diffusion en direct des images du carnage. Ces premières images de la plus grande tuerie de masse de l’histoire de la Nouvelle-Zélande ont d’abord été postées sur Facebook, avant d’être partagées sur Twitter, YouTube et WhatsApp et Instagram, qui appartiennent à Facebook, et les réseaux sociaux ont été à la peine pour retirer les images.

« Au cours des 24 premières heures, nous avons retiré dans le monde 1,5 million de vidéos de l’attaque, dont plus de 1,2 million bloquées lors de leur téléchargement », a déclaré Facebook qui affirme être parvenu à supprimer la vidéo de 17 minutes. Toutes les versions de la vidéo éditées pour masquer les images les plus violentes ont aussi été supprimées, a déclaré Facebook, disant vouloir ainsi respecter les personnes touchées par la tragédie et les inquiétudes des autorités locales.

Affirmant qu’il demeurait « des questions nécessitant des réponses » des géants de l’internet, Mme Ardern a précisé qu’elle avait été en contact avec la directrice des opérations de Facebook, Sheryl Sandberg. Le premier ministre australien, Scott Morrison, a également fait part de ses doutes quand à l’efficacité des législations en la matière et des possibilités actuelles. Selon lui, les réseaux sociaux ont « coopéré » depuis l’attaque des mosquées. « Mais je dois malheureusement dire que l’aptitude réelle à aider du côté de ces entreprises technologiques est très limitée ».

  • L’enquête se poursuit

Brenton Tarrant restera en détention jusqu’à une prochaine audience fixée au 5 avril. Un autre homme, arrêté vendredi, sera présenté devant la justice lundi pour des accusations « en lien » avec les attaques, même s’il n’a apparemment pas été directement impliqué dans la tuerie, selon le commissaire Mike Bush.