Joss Stone et Omara Portuondo le 17 janvier 2019 au festival Jazz Plaza (La Havane) / YANNICK LE MAINTEC

Au festival Jazz Plaza, on peut voir les plus grands noms de la musique cubaine. Au festival Jazz Plaza, on peut voir aussi des stars internationales. Au festival Jazz Plaza, on peut voir enfin des projets spécialement montés pour l’occasion, comme ce Benny Moré, un siglo después, dirigé par le guitariste Héctor Quintana et présenté jeudi 17 janvier 2019 au Teatro Nacional de La Havane.

Maximiliano Bartolomé Moré Gutiérrez, plus connu sous le nom de Benny More, né le 4 août 1919 à Santa Isabel de Las Lajas, disparu en 1963, est généralement considéré comme le plus grand chanteur cubain de tous les temps. Emblématique de la période prérévolutionnaire, El Barbaro Del Ritmo fut longtemps oublié par les autorités. Il n’a toutefois jamais quitté le cœur des Cubains.

Après une introduction tout sauf classique où le guitariste a déployé des trésors de savoir-faire, la section de neuf cuivres reprendra ses droits pour le plus grand plaisir des amateurs de mambo. Dans les habits du crooner, on retrouve les grandes voix du moment : Sixto Llorente, « El Indio » de la Orquesta Aragón ou encore Alain Pérez (majestueux Oh Vida !). L’incontournable Bobby Carcassés ira de sa ritournelle avec son Blues con Montuno avant de céder la place à la jeune génération : Danay Suárez, magnifique, qui réussit à nous faire oublier son passé de chanteuse de hip-hop. Plus surprenant la coqueluche du moment, Cimafunk, emballe l’audience en se la jouant funky, forcément !

Une Joss Stone intime devant un public acquis

L’air de rien, la chanteuse de soul Joss Stone, révélée à l’âge de 16 ans grâce à des Soul Sessions mémorables, peut s’enorgueillir d’avoir passé la moitié de sa vie comme chanteuse professionnelle. Cette première au Teatro National était un événement. La jeune femme blonde arrive pieds nus, excitée comme une puce. Elle midine devant son public : « Je n’arrive pas à croire que je suis à La Havane ! Cuba est un pays si musical… »

La Britannique était venue accompagnée du guitariste Steve Down. Le format guitare/voix lui donne l’opportunité d’explorer son répertoire en version acoustique et troquer sa soul puissante contre un registre intimiste. Entre chaque titre, des tonnerres d’applaudissements. Le classique Veinte Años interprété dans des effusions de bienveillance avec l’immense Omara Portuondo, de 56 ans son aînée, se conclut inévitablement en standing-ovation.

Le Preservation Hall Jazz Band le 17 janvier 2019 au festival Jazz Plaza (La Havane) / YANNICK LE MAINTEC

Le Preservation Hall Jazz Band chez lui à La Havane

Le premier voyage à Cuba en 2015 du Preservation Hall Jazz Band avait donné naissance à un documentaire épique (« A Tuba for Cuba »). Leur retour à La Havane ne pouvait être qu’explosif.

Évacuée l’image poussiéreuse du légendaire jazz band fondé en 1963. Le Preservation Hall Jazz Band est tout sauf un Buena Vista Social Club à l’américaine. Si Ben Jaffé, l’inénarrable directeur de la formation, a troqué le bonhomme soubassophone contre la sage contrebasse, les cuivres restent fidèles au son de la Nouvelle Orléans. Festifs et tonitruants, excentriques et généreux Branden Lewis à la trompette, Clint Maedgen au saxophone et Ronell Johnson au trombone, font le show en front line à coup de riffs de métal, comme dans ce Santiago qui se termine dans un bain de foule.

S’il y restait quelques réfractaires, leur Manisero en « duo » avec le pianiste Ernán López-Nussa mettra tout le monde d’accord. Et pour donner sa conclusion à la soirée, ils s’allient au mythique Septeto Santiaguero pour une dernière Guarapachanga.

Un quintet extra ordinaire

Le Blue Note en 2017… Le North Sea Jazz en 2018… La collaboration entre le trio d’Harold López-Nussa, l’harmoniciste Grégoire Maret et le conguéro Pedrito Martínez avait déjà quelques dates prestigieuses à son compteur. Il était plus que temps pour le pianiste de présenter son projet au public cubain.

Un Dia Cualqueira est un album formidable. Le quintet lui apporte une nouvelle dimension. Prenez le titre Elegua. La mise en bouche à l’harmonica, l’introduction yoruba, le solo de piano et le duo conga/batterie sont tout bonnement fabuleux. Chaque piste, comme le classique Danza de los Ñañigos d’Ernesto Lecuona, a droit à un traitement spécifique, quand il n’est pas mené à train d’enfer comme ce Hialeah, une autre titre phare de l’album. Même le mille fois repris Bacalao Con Pan d’Irakere y trouvera une seconde jeunesse.

Le groupe cubain Los Van Van le 18 janvier au festival Jazz Plaza à La Havane / YANNICK LE MAINTEC

Plus vanvaneros que jamais

Direction Casa de la Cultura de Plaza à l’autre bout du Vedado, pour une entorse au programme du Teatro Nacional. Chaque soir du festival quatre concerts, dont un de musique bailable, sur une scène ouverte pour une poignée de CUC. Au programme, José Luis Cortes et NG La Banda, Alain Pérez, Elito Revé y su Charangón, Alexander Abreu et Habana D’Primera, et bien entendu Los Van Van.

Il est fascinant de voir combien Los Van Van reste populaire auprès des Cubains. Sam Formell, le fils du fondateur Juan disparu en 2014, est désormais aux commandes de la locomotive de la musique cubaine. Le public connaît déjà par cœur toutes les chansons du dernier album Llegado. Aux côtés des rocs Roberton Hernàndez et Abdel Rasalps, Vanessa Formell fait le job en lieu et place de Yeni Valdés, sans toutefois réussir à la faire oublier. Mandy Cantero reprend le Somos Cubanos de Mayito Rivera accompagné d’une seule voix par un public havanais chauffé à blanc. Un concert de Los Van Van doit se voir à Cuba.