« Un homme parfait » : l’intelligence au service du mal
« Un homme parfait » : l’intelligence au service du mal
Par Catherine Pacary
Dans ce téléfilm, une mère tente de protéger ses deux filles de leur père incestueux mais en apparence idéal.
Les mots manquent pour qualifier l’inceste : ignoble, immonde, abject… L’immense attrait d’Un homme parfait est d’ajouter à cette liste de lieux communs les mots amour, intelligence, beauté. Tout devient alors plus compliqué, plus intéressant aussi. Tiré du livre Un fils parfait, de Mathieu Menegaux, lui-même inspiré d’un fait réel, la fiction réalisée par Didier Bivel pousse les présupposés à l’extrême.
Maxime, le père incestueux, est beau, brillant, intelligent et aimé de son épouse Daphné, wonder woman performante avec laquelle il forme un couple CSP++, comblé par leurs deux petites filles, Claire et Lucie. Voisins et amis peuvent d’ailleurs en témoigner. Dans ce cadre doré, comment croire Claire lorsqu’elle écrit à sa mère que son père lui a fait « lécher son zizi plein de mousse » ?
Toutes les ambivalences des relations humaines sont alors exploitées, motivées par le plus puissant des sentiments, l’amour. Celui de Daphné pour son mari, qui la fait douter de la parole de ses filles ; très rapidement supplanté par l’amour maternel, instinctif et aussi excessif que celui de la mère de Maxime pour son fils – thème au cœur du livre. Sans oublier l’amour filial, qui empêche les petites filles de témoigner, de peur que l’on fasse du mal à leur papa.
Intensité dramatique
Maxime, c’est l’intelligence au service du mal. L’interprétation ambivalente à souhait de Loïc Corbery, de la Comédie-Française, fait monter l’intensité dramatique d’un cran – un crescendo hélas trop appuyé par la musique. Son machiavélisme contraste avec l’intelligence relative dont le téléfilm dote l’administration, qu’elle soit policière, judiciaire ou hospitalière. Pour culminer avec l’inéluctable « parole contre parole ».
Qui croire, ce gendre idéal et père attentionné ou cette mère si souvent absente et internée dans son adolescence ? L’interprétation à fleur de peau d’Odile Vuillemin entretient le doute par son regard perdu (la comédienne joue d’ailleurs souvent les folles) et ses actes pas uniquement dictés par la raison.
Face à eux, le téléspectateur ne met pas un instant en doute la bonne foi de Daphné ni les paroles de ses filles, jouées magnifiquement par Lilas-Rose Gilberti-Poisot (Claire) et Milla Dubourdieu (Lucie). Il craint en revanche de plus en plus, au fil des minutes, que la vérité n’éclate jamais.
Impatient, on se rabat sur certaines incohérences. Pourquoi la mère n’enregistre-t-elle pas les déclarations de ses filles à leur insu, au lieu de les prévenir – « maman va faire un film » –, ce qui a pour conséquence prévisible de les rendre mutiques ? Or, sans preuve, la police ne peut rien faire.
Sous-tendue par de très bons seconds rôles, amis et parents essentiels à l’intrigue, cette fiction glaçante happe le spectateur. Aussi aurait-elle mérité une fin plus travaillée – ce qui faisait déjà défaut dans le livre. Sans spoiler, l’épilogue rappelle que faire reconnaître un acte incestueux en France reste un combat à l’issue incertaine : « La notion d’inceste n’a été introduite dans le code pénal que le 14 mars 2016. (…) Au-dessus de 5 ans, le législateur n’exclut pas d’office que l’enfant puisse être consentant. »
Fiction UN HOMME PARFAIT - Extrait 1
Durée : 00:30
Un homme parfait, réalisé par Didier Bivel. Avec Odile Vuillemin, Loïc Corbery, Didier Flamand, Frédérique Tirmont, Natalia Dontcheva (Fr., 2019, 95 min). www.france.tv/france-2