Paris va taxer les vélos et les trottinettes en libre-service
Paris va taxer les vélos et les trottinettes en libre-service
LE MONDE ECONOMIE
La Mairie veut limiter l’essor de ces équipements qui stationnent sur les trottoirs et sont cause d’accident.
Un scooter Cityscoot, à Paris, en novembre 2017. / GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Des parents avec leurs jeunes enfants qui filent à toute allure sur leurs trottinettes, boulevard Sébastopol, entre deux bus, sans gants ni casques, dans des conditions qui semblent « calculées par la Nasa » pour provoquer le maximum d’accidents… « On est chez les dingues ! », s’est exclamé Vincent Lindon, lundi 18 mars, dans l’émission « Quotidien », sur TMC.
L’acteur n’est pas seul à s’inquiéter de l’essor spectaculaire des trottinettes à Paris, et des dangers qui vont avec. La Mairie de Paris aussi. Pour calmer le jeu, elle a décidé de taxer les trottinettes, vélos et scooters disponibles en libre-service dans les rues de la capitale.
Le projet, annoncé jeudi 21 mars, fera l’objet d’une délibération soumise au vote des élus parisiens, début avril. Il s’agit d’instaurer une redevance que paieront toutes les entreprises privées – Lime, Bird, Cityscoot… –, en fonction du type et du nombre d’équipements concernés. Le tarif envisagé part de 20 euros par an pour un vélo classique ou électrique, monte à 50 euros pour une trottinette électrique, 60 euros pour un scooter électrique et passe à 120 euros et au-delà pour un scooter traditionnel. Les Vélib’ ne seront pas touchés : seuls seront taxés les véhicules loués en « free floating », ceux qui ne se trouvent pas à une borne, mais se prennent et se laissent un peu partout dans la ville.
C’est d’ailleurs ainsi que la redevance est officiellement justifiée. Selon la Mairie, le stationnement sur le domaine public des véhicules entre deux courses « excède les limites du droit d’usage à tous ». Il est donc logique de facturer cette utilisation. Depuis juillet 2018, les voitures en libre-service acquittent une redevance similaire de 300 euros par an.
Lorsque les vélos et autres trottinettes en libre-service ont commencé à se développer, la maire PS, Anne Hidalgo, et son équipe ont plutôt applaudi l’essor de ces transports non polluants. Mais le revers de la médaille est vite apparu : des trottinettes qui zigzaguent, envahissent les trottoirs, des passants exaspérés qui les renversent, des accidents…
« Nous sommes ravis de cette redevance »
« Notre intention initiale était d’attendre la future loi d’orientation des mobilités, qui doit créer un cadre réglementaire pour ces équipements, confie Emmanuel Grégoire, le premier adjoint d’Anne Hidalgo. Mais elle a pris du retard et n’arrivera peut-être que dans un an. Or la situation devient préoccupante. » Les rues de Paris comptent déjà plus de 15 000 scooters, vélos et trottinettes électriques, selon la Mairie, et 40 000 sont annoncés pour les prochains mois. Le succès des premières trottinettes lancées par Lime est tel que huit autres opérateurs ont suivi : Bird, Wind, Flash, Bolt... Cela devient « anarchique », jugent de nombreux Parisiens.
« Nous avons donc décidé d’agir nous-mêmes en créant cette redevance, comme d’autres villes en France et à l’étranger », explique M. Grégoire. Objectif : inciter les entreprises à limiter le nombre de deux-roues laissés sur les trottoirs et le bitume.
Et surprise, les opérateurs concernés ne hurlent pas. « Nous sommes ravis de cette redevance, assure même Arthur-Louis Jacquier, directeur général de Lime en France. Nous en payons déjà à Marseille et la Défense [Hauts-de-Seine]. C’est un investissement. Il doit nous permettre d’installer notre projet dans la durée. » En payant, Lime et ses rivaux s’assurent que leurs trottinettes ne seront pas interdites du jour au lendemain, qu’elles sont acceptées par les autorités.
La solidité juridique des redevances reste toutefois sujette à caution. De même, la mairie ne peut pas imposer le port du casque ni verbaliser les trottinettes laissées n’importe où, ni les mettre en fourrière. Au-delà de la mesure que s’apprête à prendre l’Hôtel-de-ville, « nous avons vraiment besoin d’une loi », plaide Emmanuel Grégoire.