Prison avec sursis pour un étudiant qui avait harcelé la journaliste Nadia Daam
Prison avec sursis pour un étudiant qui avait harcelé la journaliste Nadia Daam
Le Monde.fr avec AFP
Le jeune homme était jugé pour « menace de crime contre les personnes matérialisée par écrit, image ou autre objet ».
A l’origine de cette affaire, une chronique de la journaliste Nadia Daam sur Europe 1 qui qualifiait le sulfureux forum de « poubelle à déchets non recyclables d’Internet ». / QUENTIN HUGON / « LE MONDE »
Cinq mois de prison avec sursis et 2 500 euros pour préjudice moral. C’est la peine à laquelle a été condamné, mercredi 20 mars, un étudiant en philosophie qui avait harcelé la journaliste Nadia Daam sur Internet, après une chronique qui lui avait déplu. Le parquet avait requis six mois de prison avec sursis et 7 500 euros d’amende.
Jugé pour « menace de crime contre les personnes matérialisée par écrit, image ou autre objet », le jeune homme a été relaxé pour menace de mort mais déclaré coupable de menace de crime (viol) envers la fille de la victime.
Mercredi soir, un malaise s’est installé au tribunal correctionnel de Rennes quand le président a lu le long message posté sur le forum Blabla 18/25 du site jeuxvideo.com. Parmi des termes orduriers, grossiers et menaçants écrits en novembre 2017 par cet étudiant de 27 ans qui s’apprête à passer l’agrégation de philosophie, ceci : « J’aimerais baiser son cadavre pendant que son mec regarde. » Le texte comportait également des menaces de viol de la fille de la journaliste.
« Poubelle à déchets non recyclables d’Internet »
A l’origine de ces propos, une chronique de la journaliste Nadia Daam sur Europe 1 qui qualifiait le sulfureux forum de « poubelle à déchets non recyclables d’Internet ». En effet, une virulente campagne menée sur le forum avait été lancée à l’encontre de deux militant(e)s féministes, Clara Gonzales et Elliot Lepers, les obligeant à désactiver la ligne téléphonique « anti-relou » qu’ils avaient créée pour décourager les auteurs de harcèlement.
Cette chronique « a déclenché une forte émotion. Je me suis senti attaqué et sujet à une haine de classe que j’ai trouvée inadmissible sur le coup », a expliqué le prévenu avec aplomb, teint pâle et blouson de cuir, qui a reconnu être l’auteur du texte.
« Il s’agissait d’une mise en scène, d’une construction fantasmatique, parfaitement artificielle, et j’incarnais ce déchet non recyclable en le poussant à l’extrême », a-t-il ajouté à la barre, citant Rabelais. Interrogé par le président Marc de Cathelineau sur d’éventuels regrets, le prévenu, au casier vierge, a estimé qu’il aurait dû donner « une forme plus “euphémisée”, plus construite et rationnelle que ce que j’ai pu écrire là ».
« Ce n’est pas de la fiction »
Très émue, la journaliste de 40 ans, qui travaille désormais uniquement sur Arte, a rappelé à la barre le calvaire subi après ce « raid numérique » qui l’a contrainte à déménager ou encore à changer sa fille de collège :
« Il parle de fantasme et de virtuel, ce n’est pas vrai, il connaissait mon existence, celle de ma fille. Ce n’est pas de la fiction et ce n’est pas une démarche littéraire ! Je suis sidérée par cette ligne de défense. »
Questionnée par le ministère public sur les conséquences sur sa vie professionnelle, la journaliste a expliqué avoir été contrainte d’abandonner peu à peu ses chroniques qui pouvaient avoir un ton humoristique. « Je ne pouvais pas écrire et travailler car j’avais peur de ce que ça pouvait produire », a-t-elle reconnu. Son avocat, Me Eric Morain, a, lui, rappelé que « les mots sont une violence et ils précèdent toujours la violence physique ». « Je ne sais pas si c’est rabelaisien de dire qu’on veut sodomiser une fillette de 11 ans… Ce que je sais, c’est que c’est un crime », a-t-il ironisé.
Le procureur Jean-Pierre Ollivaux a confié son inquiétude à l’encontre du prévenu qui souhaite devenir enseignant, demandant comme peine complémentaire une interdiction pendant dix ans d’un contact habituel avec des mineurs, ce qui n’a pas été retenu par le juge. S’il a demandé une condamnation pour des menaces de viol à l’encontre de la fille de la victime, il avait requis la relaxe pour les menaces de mort.
« Baiser un cadavre ne veut pas dire qu’on est l’auteur de la mort : c’est une pensée, pas une menace », avait plaidé Me Frédéric Birrien, conseil de Charly V., dont l’identité avait été retrouvée après près d’un an d’investigation par les enquêteurs.