Arte, mardi 26 mars à 23 h 30, documentaire

Des grands industriels a­llemands ayant étroitement collaboré avec le régime hitlérien, on connaît surtout Krupp et Thyssen. A ces deux géants de l’industrie, il faut ajouter Hermann Röchling (1872-1955), auquel est consacré ce documentaire riche d’images d’archives, de témoignages et de scènes de reconstitution. Né dans une famille d’industriels de la Sarre spécialisée dans le fer, le charbon et l’acier, redoutable stratège, patron paternaliste et visionnaire, ayant rapidement compris l’intérêt de conjuguer intérêts économiques et politiques, Röchling est un personnage hors normes. En parcourant sa vie, c’est une histoire industrielle, politique et économique de l’Allemagne qui se dessine.

Des débuts dans l’usine de Völklingen jusqu’à son procès en 1948 à Rastatt, devant les autorités françaises, en passant par son voyage d’études aux Etats-Unis, ses engagements, ses inventions technologiques et ses choix stratégiques, Hermann Röchling aura été un acteur de premier plan du développement industriel de son pays. Sur les murs de sa grande usine, trois mots sont inscrits : « ordre, propreté, sécurité ». Pour ses ouvriers, des conditions de travail éprouvantes mais aussi des mesures sociales (logements, hôpital, nurserie) afin de les fidéliser.

Redoutable stratège, patron paternaliste et visionnaire, ayant rapidement compris l’intérêt de conjuguer intérêts économiques et politiques, Röchling est un personnage hors normes

Mobilisé en 1914 et envoyé sur le font de l’Est, il est démobilisé dès 1915. Précieux en tant qu’industriel, il mènera donc le combat sur le front intérieur. Obus, canons, casques d’acier, ses usines tournent à plein régime. Mais comme 40 % de ses ouvriers sont au front, Hermann Röchling fait appel à des femmes, à des prisonniers russes et à des déportés belges.

Après 1918, la Sarre est occupée par les Français. De son refuge d’Heidelberg, Röchling instrumentalise la misère des ouvriers : « Le peuple allemand est trop précieux pour se faire piétiner par de stupides bottes françaises ! ». La suite, c’est une implication de plus en plus grande dans la vie politique allemande, une première rencontre avec Hitler, dont il deviendra un fan absolu.

Car avec le IIIe Reich, les affaires reprennent. Face aux procureurs français, l’industriel allemand, qui a fait travailler dans des conditions brutales des milliers d’hommes, femmes et enfants français et russes dans ses usines durant la seconde guerre mondiale, aura ces mots : « Ma principale inquiétude était de voir le communisme envahir l’Europe. » Condamné à dix ans de prison, il bénéficiera d’une remise de peine en 1951. Un destin allemand.

Le Baron de l’acier, de Nina Koshofer (All., 2018, 90 min). www.arte.tv/fr/videos/073884-000-A/le-baron-de-l-acier/