Le Parlement européen se prononce pour la fin du changement d’heure
Le Parlement européen se prononce pour la fin du changement d’heure
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen), Jean-Baptiste Chastand
Le changement d’heure n’est pas définitivement enterré pour autant, car au Conseil de l’UE, tous les gouvernements ne partagent pas l’enthousiasme de leurs opinions publiques.
Attention : le vote du Parlement n’enterre pas définitivement le changement d’heure. / FEDERICO GAMBARINI / AFP
Un pas de plus vers la fin du changement d’heure dans l’Union européenne (UE) ? Mardi 26 mars, le Parlement européen, qui poussait la Commission européenne à agir depuis début 2018, s’est largement prononcé en faveur d’une proposition de directive de l’institution recommandant la suppression du changement d’heure saisonnier.
Il s’agit d’amender une directive de l’an 2000, qui harmonise les choix des Etats membres, tous étant censés appliquer deux fois par an les changements d’heure saisonniers, avec la même périodicité, à la même heure et le même jour. Ils doivent passer de l’heure légale à l’heure d’été le dernier dimanche du mois de mars, jusqu’au dernier dimanche du mois d’octobre de la même année.
L’hémicycle strasbourgeois s’est cependant montré moins ambitieux que la Commission – ou plus réaliste. Quand il a rendu publique sa proposition, en septembre 2018, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, recommandait une suppression du changement d’heure saisonnier dès fin 2019. Les Etats souhaitant rester sur l’heure d’été devaient pouvoir bloquer leurs horloges dès fin octobre 2019, les autres, la décaler encore d’une heure, pour se fixer définitivement sur l’heure d’hiver.
Délai de deux ans
Mardi, les eurodéputés ont préféré donner deux ans de plus aux pays : ceux désirant rester toute l’année sur l’heure d’été pourront n’y passer définitivement qu’en mars 2021. Les adeptes de l’heure d’hiver s’y fixeront une bonne fois pour toutes fin octobre 2021.
Le sujet passionne partout dans l’UE, y compris en France, comme en témoigne la récente consultation lancée par l’Assemblée nationale. Début mars, elle a recueilli plus de deux millions de réponses, 80 % des personnes ayant participé souhaitant mettre fin au changement d’heure, et une majorité optant pour l’heure d’été.
La consultation lancée par la Commission européenne, au cœur de l’été dernier, avait, elle aussi, suscité un intérêt inédit : plus de 4 millions de réponses, l’écrasante majorité des participants se prononçant contre le changement d’heure.
Cette alternance saisonnière était justifiée, lors de sa généralisation en Europe à la suite du choc pétrolier de 1973, par les économies d’énergie qu’elle était censée générer (le changement d’heure a été adopté une première fois en France en 1916, abandonné à la Libération puis rétabli en 1976). Mais, comme le soulignait la Commission dans son questionnaire estival, aucune étude scientifique à grande échelle, ces dernières années, n’a prouvé que le changement d’heure était réellement néfaste ou vraiment utile, pour la santé, les économies d’énergie ou la sécurité routière.
Pas de consensus au Conseil de l’UE
Attention : le vote du Parlement n’enterre pas définitivement le changement d’heure. Car au Conseil de l’UE (les Etats membres), tous les gouvernements ne partagent pas l’enthousiasme de leurs opinions publiques. Si la Finlande, les pays baltes, la Belgique ou l’Allemagne ont clairement pris position pour la fin de l’alternance, avec une fixation sur l’heure d’été, le Portugal ou la Grèce refusent la fin des changements saisonniers. Et la France, comme pas mal d’autres, n’a tout simplement pas tranché.
Au-delà de ces divergences, les pays ont tous conscience qu’à choisir chacun son heure sans se préoccuper du choix des voisins, à préférer les options nationales à une harmonisation européenne, ils pourraient sérieusement compliquer la vie de leurs citoyens et de leurs entreprises. Comment gérer la continuité des transports aériens ou ferroviaires, si la France optait pour l’heure d’hiver, tout comme les Pays-Bas, mais pas la Belgique ?
Lors de leur dernier conseil bruxellois, en décembre, les ministres du transport des 28 (cette question relève de leurs compétences), ont donc jugé plus sage de prendre le temps de la réflexion. Et la Roumanie, chargée de la présidence tournante de l’UE, n’a pour l’heure reprogrammé aucun débat sur le sujet d’ici fin juin.
Les élus sont conscients de ce risque de cacophonie : les socialistes et radicaux français ont ainsi préféré voter contre le projet de directive, mardi, pour éviter la « désharmonisation européenne, les effets collatéraux n’ont pas été mesurés », estime l’élue Virginie Rozière. « Ce n’est pas réalisable, on trouve ça compliqué d’avoir des horaires différenciés, notamment pour les transports », ajoute Christine Revault d’Allonnes, la chef de délégation à Strasbourg.
L’eurodéputé Les Républicains Renaud Muselier a lui aussi voté contre cette « usine à gaz », à moins que la fin du changement d’heure saisonnier ne s’accompagne de mesures cohérentes :
« Le rapport du Parlement européen laisse la mainmise aux Etats de choisir, indépendamment de leurs voisins, l’horaire sur lequel ils souhaitent s’aligner à partir de 2021. L’Europe connaît trois fuseaux horaires. Comme aux Etats-Unis ou en Russie, je demande à ce que tous les Etats membres du même fuseau horaire s’alignent sur le même changement horaire. »
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