Mozambique, Malawi et Zimbabwe : Idai, le cyclone sans frontières
Mozambique, Malawi et Zimbabwe : Idai, le cyclone sans frontières
Par Jennifer Fitchett
Les tempêtes récentes alertent sur l’avenir des phénomènes tropicaux en Afrique australe, qui risquent de s’intensifier sous l’influence du changement climatique.
Des habitants de Beira, au Mozambique, fuient leur domicile, après le passage du cyclone tropical Idai. / Denis Onyodi/IFRC
Le cyclone tropical Idai a fait en ce mois de mars la « une » de l’actualité en Afrique australe. Après six jours passés dans le canal du Mozambique, il a atterri sur la ville de Beira, au Mozambique. Il a ensuite mis le cap à l’ouest avant de se dissiper.
C’est sur les côtes que l’impact du phénomène météorologique a été le plus fort. Il a provoqué des inondations, des vents très puissants et des ondes de tempête dans la région centrale du Mozambique. Le Malawi et le Zimbabwe, pays voisins, ont quant à eux subi de très fortes précipitations, inondations et dégâts causés par des vents extrêmement rapides. Madagascar, qui se trouvait sur l’itinéraire qu’a suivi la tempête jusqu’à Beira, a également connu de fortes pluies.
Dans cette région africaine, les inondations ont contraint des centaines de milliers de personnes à abandonner leur domicile. Le bilan humain n’a quant à lui cessé de s’aggraver au cours de la semaine suivant la catastrophe. Ressentis jusqu’en Afrique du Sud, les effets du cyclone y ont également généré d’importantes pannes d’électricité : le pays est en effet approvisionné à hauteur de 1 100 MW par des lignes haute tension issues du nord du Mozambique, sérieusement endommagées par le cyclone.
Montée en sévérité des cyclones tropicaux
Dans son histoire, le Mozambique a connu neuf tempêtes atteignant l’intensité d’un cyclone tropical. Des événements tropicaux plus faibles, comme des tempêtes tropicales et des dépressions, affectent plus régulièrement la région.
Le plus violent à avoir frappé le Mozambique n’est autre que le cyclone tropical Eline, survenu en février 2000. D’une intensité de catégorie 4 lorsqu’il s’est abattu, il a provoqué à la suite des inondations la mort de 150 personnes. 1 000 autres ont été blessées, 300 000 déplacées et quatre navires ont coulé.
Au large de la côte est de l’Afrique, les tempêtes s’avèrent moins fortes que dans l’hémisphère Nord. Dans l’Atlantique Nord et le Pacifique Nord, les cyclones tropicaux de catégorie 4 et 5 frappent presque chaque année.
Les rues inondées de Buzi, une ville du centre du Mozambique, le 20 mars 2019. / Adrien Barbier/AFP
Comment expliquer que tant de pays aient été affectés ? Les cyclones tropicaux constituent des systèmes orageux très importants. Juste autour de l’œil du cyclone – une zone où le temps est calme, sans vent ni pluie – s’étendent sur un rayon minimum d’environ 100 km des spirales de nuages orageux. C’est de ces bandes nuageuses qu’émanent les conditions orageuses, c’est-à-dire la pluie et les vents caractéristiques d’un cyclone tropical.
Ce rayon de 100 km est typique des cyclones tropicaux de catégorie 1, la plus basse intensité. A mesure que la tempête s’intensifie et rejoint les catégories 2, 3, 4 et 5, la taille de ce rayon augmente significativement. Une tempête très puissante, comme Idai, a donc une gamme d’impacts beaucoup plus large que la trajectoire qui la précède.
Au cours des dernières années, on a vu émerger une préoccupation croissante autour de l’impact que pourrait avoir le changement climatique sur les cyclones. La recherche a révélé que des variations dans les températures mondiales provoquaient la montée en sévérité des cyclones tropicaux.
Multiplication des phénomènes
Des scientifiques se sont récemment penchés sur la question dans le sud de l’océan Indien. Tandis que l’eau se réchauffe, la zone connaissant des températures propices à la formation de cyclones tropicaux s’étend. En parallèle, le changement climatique affecte suffisamment les régions tropicales pour que les cyclones s’y intensifient. Les catégorie 5, que l’Atlantique Nord connaît depuis presque un siècle, ont commencé à frapper dans le sud de l’océan Indien depuis 1994, à un rythme qui n’a fait que s’accélérer depuis.
A mesure que le changement climatique se poursuit et s’intensifie, ces tempêtes vont donc elles aussi se multiplier. Cela se traduira par une fréquence accrue, non seulement de dommages graves causés par les tempêtes, mais aussi de dégâts touchant une très large région. Outre l’impact du réchauffement sur l’intensité de la tempête, on constate également que les dérèglements climatiques étendent les tempêtes dans une intensité donnée.
Quelle était alors l’intensité du cyclone tropical Idai ? Plusieurs organisations climatologiques régionales se chargent de documenter les relevés de trajectoires des tempêtes, qui comprennent l’emplacement géographique de la tempête à des intervalles de temps déterminés, la vitesse du vent et la pression atmosphérique. Ces données sont synthétisées par l’Agence océanographique et atmosphérique nationale (organisme américain), qui fournit une ressource utile aux scientifiques qui s’intéressent au comportement des tempêtes.
Les cyclones tropicaux sont classés sur la base de la vitesse de leurs vents et de leur pression centrale. Pour entrer dans la catégorie 1, une tempête doit avoir une vitesse de vent constante minimale de 119 km/h. Celle-ci doit atteindre 178 km/h pour qu’un cyclone soit rangé dans la catégorie 3. On estime que les vents dangereux des tempêtes de catégorie 1 peuvent provoquer quelques dégâts, quand ceux de catégorie 3 sont susceptibles d’être réellement dévastateurs.
Minimiser les dommages à venir
L’histoire du cyclone tropical Idai est bien documentée par ces enregistrements. Il a atteint une intensité de catégorie 3 entre 3 heures et 6 heures du matin le 11 mars 2019, alors qu’il se trouve le plus à l’est de la trajectoire de la tempête. Vers 3 heures, le 12 mars, la tempête s’est rétrogradée en intensité de catégorie 2, et a fluctué entre les intensités de catégories 2 et 3 pendant les 36 heures suivantes. A partir du 13 mars à minuit, la tempête s’est maintenue à une intensité de catégorie 3 jusqu’à ce qu’elle n’éclate le 14.
En affectant plusieurs pays, les tempêtes imposent aux dirigeants de nouveaux défis. Elles impliquent de s’y préparer de manière proactive et d’être en mesure de prévenir les dommages humains et matériels. Cela exige des pays qu’ils communiquent efficacement les uns avec les autres, qu’ils fournissent des messages cohérents en matière de prévision de l’itinéraire de la tempête et de ses dégâts potentiels, et qu’ils facilitent les évacuations.
Cette nouvelle catastrophe n’augure rien de bon pour le futur des cyclones tropicaux, dans cette zone particulièrement menacée par le changement climatique. Une adaptation efficace est essentielle pour minimiser les dommages à venir, en préparant la région à des tempêtes d’une sévérité accrue. Elaborer des plans de gestion des risques liés aux désastres est également indispensable pour limiter les pertes humaines et matérielles.
Jennifer Fitchett est maître de conférences en géographie physique à l’université du Witwatersrand (Afrique du Sud).
Cet article a d’abord été publié sur le site de The Conversation.