Emmanuel Macron lors d’un débat avec des enfants, le 28 mars à Beaupréau-en-Mauges (Maine-et-Loire). / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Lignes de bus déviées, rues bloquées, commerces fermés… C’est dans une ville comme assiégée qu’Emmanuel Macron s’est rendu à Angers, jeudi 28 mars, pour son neuvième déplacement lié au grand débat national. Une visite extrêmement balisée et au format modeste : après un déjeuner avec une quarantaine d’élus de la région Pays de la Loire, le chef de l’Etat a débattu durant deux petites heures avec une cinquantaine d’enfants à Beaupréau-en-Mauges. Bien loin des 6 h 45 passées avec des élus normands à Grand-Bourgtheroulde, le 15 janvier, ou des 5 h 15 consacrées à des jeunes à Gréoux-les-Bains, le 7 mars.

C’est que l’heure n’est plus aux performances. Alors qu’Emmanuel Macron pensait avoir fait le plus dur en renouant le contact avec les Français lors de ses déplacements marathons, dont la dernière étape doit l’emmener en Corse le 4 avril, les violences commises à Paris le 16 mars ont dessillé l’exécutif et fait comprendre que rien n’était gagné. Le soutien toujours affiché par une majorité de Français aux « gilets jaunes », malgré les scènes de saccages sur les Champs-Elysées et les dérapages des leaders du mouvement, n’en finit plus d’interpeller au sommet de l’Etat. Selon un sondage Odoxa publié le 21 mars, 55 % des Français estiment que les « gilets jaunes » expriment « une protestation légitime ».

Signe que la colère est toujours là, Emmanuel Macron a été accueilli à Angers par plusieurs centaines de manifestants, principalement des militants syndicaux mais aussi quelques « gilets jaunes ». Ils ont été rejoints par environ 150 salariés de la principale papeterie d’Arjowiggins en France, située à Bessé-sur-Braye (Sarthe), menacée de liquidation judiciaire. Empêchés d’approcher de la préfecture, où le chef de l’Etat s’entretenait avec les élus de la région, les manifestants ont occupé un moment la voie ferrée qui dessert la ville, bloquant le TGV dans lequel se trouvait François de Rugy, le ministre de la transition écologique. « J’ai été arrêté sept fois pour transmettre des courriers au président », s’est même plaint Christophe Béchu, le maire (ex-Les Républicains) d’Angers, pourtant un proche d’Edouard Philippe, à son arrivée à la préfecture de la ville.

« Additionner 66 millions de voix ne fait pas une nation »

S’il est resté à distance des contestataires, envoyant un de ses conseillers rencontrer les salariés d’Arjowiggins, Emmanuel Macron a néanmoins tenté de montrer qu’il restait à l’écoute. « Beaucoup de gens pensent que le grand débat est terminé mais je suis là », a commencé le chef de l’Etat lors de sa rencontre avec les élus, et ce même si la consultation est officiellement terminée depuis le 15 mars. « Je vous écoute », a-t-il aussi insisté auprès des enfants venus débattre avec lui, leur rappelant que « les choix qu’on fait aujourd’hui, c’est vous qui allez les vivre ». « L’objectif du président à travers ce grand débat est de reconstruire un récit national, de faire en sorte que nos concitoyens se retrouvent dans une communauté de destin », rappelle-t-on à l’Elysée.

Dossier dans l’école primaire de Beaupréau-en-Mauges, pour une visite d’Emmanuel Macron, le 28 mars. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Car Emmanuel Macron l’a répété à plusieurs reprises depuis le début de la crise des « gilets jaunes » : il y aura un avant et un après la contestation. « Rien ne sera plus comme avant. Nous ne reprendrons pas le cours normal de notre vie », a-t-il déclaré le 10 décembre, lors de la présentation d’un plan qui devait, espérait-il, donner satisfaction aux revendications. « Les citoyens ont le sentiment d’une perte de contrôle (…) à laquelle il faut apporter une réponse », a répété M. Macron à Angers, alors que les premières mesures adoptées à la suite du grand débat sont attendues pour la mi-avril. « Les gilets jaunes, j’ai envie de leur apporter une réponse », a-t-il aussi confié à une jeune élève, faisant la distinction entre les gens « en colère [qui] ont occupé des ronds-points » d’un côté, et les « extrêmes » et « les casseurs » de l’autre.

Mais en l’absence de mode d’emploi, difficile pour l’exécutif de savoir comment s’y prendre. Comment donner aux Français le sentiment qu’ils seront désormais écoutés ? Que le grand débat ne sera pas une parenthèse vite oubliée dans la vie du pays ? « Additionner 66 millions de voix individuelles ne construit pas un projet commun. Une addition de 66 millions de voix individuelles ne fait pas une nation », a lui-même reconnu Emmanuel Macron, qui multiplie les réunions à l’Elysée pour préparer ses annonces. Le modèle ? « Les ordonnances de la Sécurité sociale, qui ont contribué à faire nation après la guerre », explique-t-on à l’Elysée. On a connu barre moins haute.

Notre sélection d’articles pour tout comprendre au grand débat