Alors que la concertation sur la réforme des retraites touche à sa fin, la CGT entend commencer à mobiliser contre ce projet qu’elle qualifie de « régressif » tout en avançant ses propres propositions. La confédération n’en a jamais fait mystère : elle est opposée à l’idée du gouvernement qui veut mettre en place un système universel de points pour remplacer les 42 régimes existants.

Car pour sa numéro deux, Catherine Perret, qui suit ce sujet à la confédération, cela aboutira à « accélérer la baisse des pensions ». « Il n’y a pas à tergiverser, c’est clair : tous perdants », a-t-elle martelé. Et ce même si le haut-commissaire en charge du dossier, Jean-Paul Delevoye, n’a pas encore présenté ses recommandations. Selon le calendrier prévu, il devrait le faire en juin, l’idée étant que le projet de loi soit adopté d’ici à la fin 2019.

La seule manière de « garantir de bonnes retraites »

Mme Perret a également critiqué la méthode de M. Delevoye qui a lancé il y a plus d’un an la concertation avec les partenaires sociaux. Pour la dirigeante cégétiste, cela n’est destiné qu’à « endormir tout le monde ». Si son organisation continue d’y participer, c’est pour « porter la contradiction » et leurs propositions.

Des propositions que la dirigeante confédérale a développées. Si la CGT souhaite garder un système en annuités, avec ses spécificités comme les régimes spéciaux, elle ne revendique pas pour autant le statu quo. Pour la centrale, il faut « un taux de remplacement minimum de 75 % » du dernier salaire, « une indexation des pensions sur le salaire moyen » et non plus sur l’inflation, comme c’est le cas aujourd’hui, et un retour à un âge légal de départ en retraite à 60 ans.

La CGT compte notamment sur la mise en place d’un « malus sur les emplois précaires » et sur le fait de lutter « véritablement » contre l’évasion fiscale

Autant de mesures qui ne représenteraient pas moins de « 100 à 120 milliards d’euros d’aujourd’hui à l’horizon 2050 », a reconnu Mme Perret. Mais selon elle, c’est la seule manière de « garantir de bonnes retraites » dans un contexte de vieillissement massif de la population à venir. Pour financer une telle somme, la CGT compte sur une baisse du chômage, une hausse des salaires dans le public comme dans le privé, l’obligation de l’égalité salariale femmes-hommes, une taxation des Gafa, la mise en place d’un « malus sur les emplois précaires » ou encore sur le fait de lutter « véritablement » contre l’évasion fiscale.

« Des forces patronales et politiques » à la manœuvre

La centrale syndicale entend mettre la pression alors que la semaine dernière le gouvernement a jeté le trouble sur un éventuel recul de l’âge de la retraite. Un « cafouillage » qui n’a pas étonné Mme Perret selon qui il y a « des forces patronales et politiques » qui veulent que « l’on substitue à la réforme actuelle un recul de l’âge » de la retraite. A moins que ce ne soit « fromage et dessert » pour l’exécutif, a-t-elle ajouté, soit les deux réformes.

« Il va falloir que l’ensemble des salariés se mobilisent et que la jeunesse se lève »

De quoi inquiéter la CGT qui réclame, avant que M. Delevoye ne formule ses recommandations, la tenue d’une réunion multilatérale avec toutes les parties prenantes autour de la table, sur le modèle de ce qui avait été fait lorsque les premiers arbitrages avaient été rendus le 10 octobre 2018.

En attendant, la CGT lance une campagne « Pas de hasard pour ma retraite, je veux savoir quand et avec combien je partirai ». Rappelant que lors de la dernière journée de mobilisation interprofessionnelle, le 19 mars, cette question était déjà présente, Mme Perret a jugé qu’il fallait désormais inscrire ce sujet « dans chaque future mobilisation ». « Il ne faut pas attendre que le projet de loi soit déposé à l’Assemblée nationale, a-t-elle conclu. Il va falloir que l’ensemble des salariés se mobilisent et que la jeunesse se lève. »

Retraites : changer de régime est-il possible ?

« Une réforme des retraites ne peut être acceptable que si elle restaure la confiance des citoyens par son équité et sa pérennité », entretien avec le politiste Bruno Palier, directeur du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp, Sciences Po)

« Un régime unique par points améliorerait la situation des travailleurs de plates-formes numériques », par Louis-Charles Viossat, haut fonctionnaire et professeur de politiques sociales internationales à Sciences Po

« Tout se passe comme si on devait naviguer à vue », par Michaël Zemmour, enseignant-chercheur en économie à l’université de Lille

« Après les salaires flexibles, voici les pensions flexibles ! », par Christiane Marty et Daniel Rallet, co-auteurs de Retraites, l’alternative cachée (Attac et Fondation Copernic, Syllepse, 2013).

« Le débat ne met pas assez en lumière les spécificités des professions libérales », par Philippe Castans, président de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des professions libérales (Cipav)

« La retraite par capitalisation est l’autre grand pan de la réforme », par Julien Vignoli, directeur général du courtier en assurances Gras Savoye Willis Towers Watson

« Nous pourrions décider de consacrer 21 % du PIB aux retraites et rétablir un âge de départ à 60 ans », par Philippe Laget, ancien cadre dirigeant dans un grand groupe international de services financiers